Depuis le début de l’année, attraper des féras relève presque de l’exploit pour les pêcheurs du Léman. En revanche, il n’en est pas de même pour les perches. La pêche, interrompue entre le 1er et le 25 mai pour permettre aux poissons de frayer, a repris de plus belle en début de semaine.

«En trente ans, c’est la première année que j’en pêche autant, assure le Nyonnais Osmankaq Deli. Mais pour les féras et brochets, c’est une catastrophe.»

«C’est impressionnant», confirme Alexandre Fayet. Le Glandois, professionnel depuis 2002, n’a jamais vu ça. Il peut ramener jusqu’à 50 kg de perches dans ses filets en une journée. Ce qui le surprend également, c’est la grande régularité des prises depuis le mois de septembre.

Pas de répercussion sur les prix

Alexandre Fayet ne compte pas, pour autant, baisser ses tarifs, à savoir 56 francs le kilo de filets pour les restaurateurs, 70 francs au détail. «Avec la pêche, on ne sait jamais ce qui nous attend. Nous sommes tellement tributaires des conditions météo», argumente le secrétaire du syndicat intercantonal des pêcheurs professionnels du Léman (SIPPL).

Joannas de Graaff, pêcheur à Allaman, observe que depuis trois à quatre ans, la pêche à la perche est sur un cycle favorable et que le dernier frai a été excellent. Ceci étant, lui aussi reste très prudent: cette situation peut se détériorer rapidement. Ne serait-ce parce que le poisson peut se déplacer au large pour se nourrir, hors de portée des pêcheurs.

Le réchauffement du lac ne porte pas préjudice aux perches. (Photo: archives Héloïse Maret)

Comme son collègue de Gland, ce professionnel ne compte pas revoir ses prix à la baisse. «Ils n’ont pas bougé depuis trois ans», déclare Joannas de Graaff. Qui justifie cette stabilité par la trop grande irrégularité des pêches. En cas de surplus, lui préfère revendre des poissons à un collègue situé sur une zone moins bien lotie pour éviter de casser les prix. «C’est une manière de se soutenir entre nous», affirme-t-il.

Mais pourquoi cette abondance? «Il n’y a pas de réponse scientifique, excepté que le frai du printemps 2019 puis celui de 2020 se sont déroulés avec succès. La perche reste un poisson mystérieux», commente de son côté Frédéric Hofmann. Le chef de la Section chasse, pêche et surveillance de l’Etat de Vaud rappelle toutefois que les captures records de perches remontent aux années 1970: la charge élevée en phosphore dans le Léman avait alors favorisé le développement de cette espèce au détriment du corégone. En 1975, 1200 tonnes de perches avaient ainsi été pêchées dans le Léman contre 253 tonnes en 2020, selon les chiffres de la commission internationale de la pêche dans le Léman.

Les importations resteront prépondérantes

Reste que si le réchauffement du lac déplaît aux corégones et à l’omble-chevalier, il n’en est pas de même pour la perche. «Il y aura toujours une espèce opportuniste, capable de s’adapter à l’évolution du milieu», conclut Frédéric Hofmann.

Il y aura toujours une espèce opportuniste, capable de s’adapter à l’évolution du milieu!

Frédéric Hofmann chef de la Section chasse, pêche et surveillance de l’Etat de Vaud

Ceci étant, même si la pêche aux perches est généreuse, les filets importés resteront majoritaires dans les assiettes des restaurateurs. «Il y a une telle demande!» relève Alexandre Fayet. Selon des chiffres de la Fédération suisse de pêche, la pêche indigène ne couvre qu’un peu plus de 10% du besoin. 9 filets de perches sur 10 sont importés de Russie, d’Estonie, de Pologne ou encore d’Irlande.

Perches et Léman, la pêche miraculeuse

Si les féras du Léman se font discrètes, en revanche, les perches sont particulièrement abondantes depuis l’automne dernier, dans les filets des professionnels!