Samedi 20 août 2022. En présence de deux invités d’honneur prestigieux, l’ancien capitaine du XV de France Jean-François Tordo et l’ex-international uruguayen et capitaine du Castre olympique Rodrigo Capó Ortega, le Nyon RC souffle ses 50 bougies à Colovray. Sur le terrain principal, trois matches de gala, auxquels assistent de nombreux joueurs et ex-joueurs qui ont contribué à écrire l’histoire du club.

L’occasion est belle de se remémorer les heures glorieuses passées sur le pré… et en dehors. Certains, moins nombreux, évoquent même la fondation du club. Il faut dire qu’ils sont bien placés pour en parler: ils y étaient! A commencer par Gilbert Monbaron, cofondateur et premier président du NRC.

«A l’automne 71, je suis allé voir plusieurs matches à Bourg-en-Bresse, qui jouait en 1re division. Je me suis dit: il faut qu’on monte une équipe à Nyon. C’était totalement utopique parce qu’ici, personne ne savait ce que c’était un ballon, sourit le septuagénaire. Et puis, on s’est retrouvé quelques-uns. Ferrier, Sagnier, Vermorel… On allait s’entraîner sur le terrain de la promenade d’Italie.» Rapidement des Deblue, Ramasuglia, Damond sont venus. Puis un certain Aboughanem, qui avait joué à Grenoble, est arrivé et a pris l’entraînement en main. En mars 1972, ils étaient une bonne vingtaine. «On s’est dit: on y va. Le mardi 28, on a organisé la première assemblée générale. C’était parti.»

Premier match de l’histoire du club à Monthey. Le pied dans le plâtre, Gilbert Monbaron arbitre en complet-cravate-pochette. Photo: DR

Et c’est parti vite. Le vendredi suivant, Daniel Aboughanem appelle Gilbert Monbaron. «Il me dit: «J’ai trouvé un match amical à Monthey pour dimanche». On n’avait pas de maillot, rien. Je suis allé en chercher à Bourg-en-Bresse. D’où les couleurs violettes, qui sont alors devenues nos couleurs d’origine. Mais quand on y pense, si on mélange le rouge et le bleu, les couleurs de Nyon, ça donne du violet.»

A Monthey, Gilbert Monbaron, un pied dans le plâtre, n’a pas joué. Mais faute d’arbitre sur place, il s’est retrouvé au sifflet en complet-cravate-pochette! Ou comment faire son entrée dans l’histoire du rugby suisse avec élégance.

Le décor est en place, il ne vous reste plus qu’à découvrir les cinq décennies qui ont suivi, évoquées par ceux qui les ont vécues. Bon voyage!

1972-1982: l’ère des pionniers

La première photo d’équipe du Nyon RC. En haut (de g. à d.): Busson, Vermorel, Aboughanem (entraîneur), Senis, Fawizi, Vuille, Ramasuglia, Francioli, Monbaron, Demaris, Sagnier, Haldi. En bas: Henriod, Chastaing, Borget, Escloupier, Ferrier, Deblue, Damond et Vincent. Photo: DR

Monté en LNA à l’issue de sa première saison de championnat, le Nyon RC a, par la suite, vécu une décennie agitée, alternant relégations et promotions. Il a même connu, au mitan de la décennie, la rivalité au sein même de la ville de Nyon!

«Après les deux premières années, c’est un peu tombé, se souvient René Damond, 3e ligne du Nyon RC de 1972 à 1995. Il n’y avait plus d’entraîneur, on n’était plus que 5-6 à l’entraînement. Les vaches maigres. D’autant plus qu’au même moment, est apparu un deuxième club à Nyon: l’Ovalie nyonnaise. Avec toute une équipe de nouveaux joueurs. Mais la situation n’était pas viable à long terme, Après deux saisons, ils ont arrêté et ils sont tous venus jouer avec nous. Ça nous a redonné du souffle.»

Image d’un autre temps: sur leur terrain de la Vuarpillière, les Pirates de l’époque devait élever les poteaux avant de pouvoir hisser pavillon. Photo: DR

Fritz Oberli, un soutien capital

René Damond évoque volontiers une personne sans qui le Nyon RC aurait eu une bien plus brève existence: Fritz Oberli, président entre 1975 et 1976. «Il était boulanger à Rive et il avait aussi le bar «Le Missouri» à la route de Divonne. Il a mis beaucoup d’argent dans le club, c’est lui qui a tenu la baraque. C’est aussi grâce à lui et avec l’aide d’un conseiller communal, qu’on a pu avoir le terrain à la Vuarpillière, car jusque-là, on jouait tous nos matches sur celui du CERN. Bon, il était en pente et il n’y avait pas de vestiaire. On se changeait à Marens et on montait. Et les jours où c’était bien boueux, on était contents dans les voitures (rires). Mais c’était chez nous. Et c’était un peu à l’image de cette époque, où tout était à construire. Les spectateurs, c’était nos copines, mais l’ambiance était incroyable.»

1982-1992: l’armoire aux trophées inaugurée

Arrivé au Nyon en 1982, Geoff Stenson (2e depuis la gauche) a tellement apprécié l’ambiance qu’il a fini par s’installer définitivement dans la région. Photo: DR

Evoluant en LNB depuis la saison 1979-1980, le Nyon RC retrouve le plus haut national en 1983. Il ne le quittera plus. «Lors de cette dernière saison en LNB, on a tout gagné, se souvient Geoff Stenson, arrivé en 1982 en provenance de son Liverpool natal. Ensuite, on a terminé à des places d’honneur en LNA. Et on aurait dû remporter le titre en 1986, mais on a finalement terminé 2e. C’est dommage.»

Des regrets légitimes pour un XV nyonnais qui, la saison précédente, a inscrit pour la première fois son nom au palmarès de la Coupe de Suisse. Un premier trophée de prestige pour le club, qui a été célébré comme il se doit.

Un bail à vie

«On avait remporté la Coupe de la Fédération en 1982, mais cela n’avait pas la même valeur. Et je m’étais cassé une côte. Ce qui ne m’avait pas empêché de bien la fêter, hein. Pour tuer le mal, rigole Geoff. Mais cette victoire 10-0 contre le LUC en finale de Coupe de Suisse, c’était incroyable. Ce qui est amusant c’est que ça s’est déroulé à Vidy, là où Nyon a remporté la Coupe cette année.»

Je suis resté en Suisse à cause du Nyon RC. J’ai trouvé ici une ambiance chaleureuse. D’où qu’on vienne, on était accepté. Et on était tous là par plaisir.

Geoff Stenson, ancien joueur du Nyon Rugby Club

En 1987, l’heure est pourtant à la transition. Des nouveaux sont arrivés au début de la décennie, mais certains joueurs de la génération précédente ont, eux, décidé de mettre la flèche. «Du coup, on a eu un peu de peine. Mais après c’est bien reparti. Et on a gagné une 2e Coupe en 1991» raconte Geoff Stenson, qui, à l’origine, n’était venu en Suisse que pour un bail de trois ans. «Je suis resté à cause du Nyon RC, sourit le professeur du Rosey aujourd’hui retraité. J’ai trouvé ici une ambiance chaleureuse. D’où qu’on vienne, on était accepté. Et on était tous là par plaisir.»

1992-2002: champion pour la première fois

Le Gallois Peter Jones (à gauche, en blanc) faisait partie de l’équipe qui a remporté le premier titre de champion suisse de LNA en 1996. Photo: DR

«Je suis arrivé en 1987 en provenance du CERN, la meilleure équipe de Suisse. C’était très sérieux, A Nyon, l’ambiance, l’état d’esprit m’ont plu tout de suite.»
A Nyon, le Gallois Peter Jones a trouvé un groupe plus cosmopolite que jamais, où se mélangent, alors, une vingtaine de nationalités. «Des Japonais, des Roumains, des gens de partout. J’étais à l’aise là-dedans» glisse l’intéressé.

La 3e mi-temps a été incroyable. C’était un dimanche. La seule chose que je peux dire, c’est que je ne suis pas allé travailler le lendemain.

Peter Jones, sur le premier titre de champion du Nyon RC

A Colovray, il a surtout pu goûter à son premier succès en Coupe après deux finales perdues avec le CERN et trois échecs avec Nyon… contre le CERN. En 1991, le chat noir a décidé de déménager. Pour de bon. Cinq ans plus tard, le club frappe à nouveau à la porte de l’histoire en décrochant son 1er titre de champion suisse de LNA.

Un sacre sous le déluge

«A l’époque, il n’y avait pas de play-off. On était la meilleure équipe du championnat avec Hermance. On avait perdu 9-6 là-bas et le dernier match c’était à Nyon, contre eux. On devait gagner pour être titrés. Il y avait de la pluie et très peu d’actions. J’ai passé deux pénalités, notre adversaire aussi. 6-6. J’en passe encore une avant que les conditions ne deviennent très difficiles. Et à 5’de la fin, mon pote Rody Bramham décide d’en tenter une de 40 m. Et il la passe! La 3e mi-temps a été incroyable. C’était un dimanche. La seule chose que je peux dire, c’est que je ne suis pas allé travailler le lendemain.»

La fin de la décade est marquée par l’arrêt de certains et un petit manque du côté de la relève. Conséquence: un creux au début des années 2000. «C’est de là qu’est venue la volonté de développer un programme de formation avec des juniors. Sur le long terme, sans relève, c’est compliqué» confie Peter Jones.

2002-2012: une vraie famille, soudée comme jamais

Pedro Dubois lève fièrement le trophée récompensant les champions suisses de LNA, trophée que le Nyon RC a remporté cinq fois dans son histoire. Photo: DR

Pedro Dubois arrive d’Argentine en 2001. Comme pour nombre de ses prédécesseurs, l’intégration est instantanée. «J’ai été accueilli de manière incroyable» lâche-t-il avec enthousiasme.

Sportivement parlant, c’est plus délicat. En 2003, l’équipe frôle la relégation. «Après la trêve, la moitié de l’équipe n’était plus là. Armée, tour du monde, arrêt… On a bien galéré. L’effectif manquait, mais on se donnait quand même à 100%. On perdait 100-7 et après on allait au bar, on passait un moment extraordinaire.»
Derniers, les Nyonnais doivent disputer les play-down. Et là, le miracle. «Un autre Argentin a débarqué de nulle part, un Espagnol, joueur extraordinaire, est arrivé d’Ecosse et des «vieux» sont revenus donner un coup de main. On a tout écrasé.»

Une cohésion incroyable

Après avoir mangé son pain noir, le club passe au pain blanc avec l’arrivée, en 2004, de Patrice Philippe. «On s’est dit: on va se reconstruire, petit à petit. Mais en fait, tout est allé très vite» sourit Pedro. Et ce n’est rien de le dire: après le premier doublé coupe-championnat de l’histoire du club en 2005, le XV de Colovray remporte un nouveau titre national en 2008.

«Je ne pense pas qu’on était une meilleure équipe que les autres. Mais on était un meilleur groupe, avec une cohésion incroyable. Tous les week-ends, après les matches, j’avais 7-8 personnes qui dormaient chez moi. Il faut dire que j’habitais à Rive, entre le Fish et l’After… Une vraie famille. Je pense que c’est ça qui a fait la différence. On était tous dans le même état d’esprit. Notre priorité, c’était le rugby. Et on avait une aura particulière. On était connus partout en ville et on faisait la fête avec tout le monde. Toujours dans la joie et de la bonne humeur.»

2012-2022: des titres et un nouvel élan

Capitaine du XV de Colovray durant plusieurs saisons, Géraud d’Espinay Saint-Luc fait désormais partie des «anciens». Photo: Sigfredo Haro

Arrivé lors de la saison 2012-2013, Géraud d’Espinay Saint-Luc entre alors dans une équipe qui vient de perdre une finale de championnats et de nombreux joueurs confirmés.

«J’avais 22 ans et il y avait plein d’opportunité pour des jeunes joueurs. On n’est pas attendus, mais on va en finale. Finale assez rocambolesque, d’ailleurs: on est mené de trente points, Maans (ndlr: Dye) se prend un plaquage cathédrale et doit être évacué en hélico… Et derrière, on fait une remontée de fou. On ne gagne pas, mais ça a été fondateur.»

Finaliste en 2014 contre Zurich, le groupe monte en puissance et atteint sa maturité avec l’arrivée de Cyril Lin pour la saison 2015-2016. Au bout de l’exercice: un titre. Et rebelote en 2016-2017.

Un cycle sain

Le tir groupé sera suivi d’une grande frustration en 2019. Hôtes de la finale de LNA, les Pirates s’inclinent face à GC. Heureusement les Mermigans – l’entente entre les équipes féminines de Nyon, Monthey et Palézieux – déjouent tous les pronostics en décrochant leur 1er titre de LNA.

«Puis le Covid est arrivé et des joueurs ont arrêté. On est entré dans une nouvelle phase de transition», explique Géraud. Phase qui s’est poursuivie la saison passée, marquée par une non-qualification en play-off. Mais également par un 5e succès en Coupe.

«Le groupe est à nouveau équilibré et on construit l’avenir, expose le 2e ligne des Pirates. Mais le niveau du championnat monte et la concurrence est plus forte. A Nyon, il n’y a pas de joueur au-dessus de l’équipe. Aucun n’est payé contrairement à d’autres clubs. C’est ce qui nous a permis d’être soudés et de remporter nos titres. On relance un cycle sain, on espère qu’il sera vertueux.»

En chiffres
Aujourd’hui, le Nyon Rugby Club, c’est…
6 titres de champion de Suisse de LNA (5 masculins, 1 féminin)
5 Coupes de Suisse
6 équipes de XV (deux masculines, une féminine, deux juniors, une vétérans, les KromaNyon) et une équipe de VII par section
223 licenciés (87 seniors hommes, 22 seniors femmes, 32 juniors M18, 30 juniors M16, 52 KromaNyon)
1 amicale des anciens qui se compose de 54 membres cotisants et 90 actifs

Rugby: les Pirates nyonnais victorieux presque sans trembler

Pour cette ouverture de saison à domicile, après une défaite initiale à Yverdon, les rugbymen de Nyon ont rapidement pris le meilleur sur Hermance, avant que le match ne se corse (40-7).