«Un rêve flottant», «un projet complètement fou», «un événement aussi exceptionnel qu’un dimanche en pleine semaine». Dimanche matin, au port de Rolle, aucun superlatif ne semble à la hauteur de la jolie embarcation de 8,5 mètres qui s’apprête à faire connaissance avec les eaux lémaniques.

Guidée avec doigté jusqu’à l’eau par son «papa» Jean-Philippe Mayerat, dit Mayu, au volant de son tracteur «Spirit of pollution», l’élégante chaloupe prénommée «Dom Juan» est bien plus qu’un bateau. D’abord parce que cette réplique, conçue à partir d’une épave d’un modèle du XIXe siècle, est une embarcation unique sur le lac avec son moteur à vapeur.

Un «Dom Juan» fédérateur

Mais aussi et peut-être même surtout car derrière chaque bout de bois qui la compose et chaque tuyau de sa chaudière pulsent l’humanité de celles et ceux qui ont œuvré à sa rénovation. A commencer par Mayu, bien sûr, et ses deux ex-apprentis Camille Fumat et Sébastien Godard, mais aussi une foultitude d’amis et d’amoureux du lac réunis sous la bannière de l’association Chaloupe à vapeur, créée il y a deux ans pour soutenir ce projet de rénovation.

Pas étonnant, dès lors de trouver le port rollois noir de monde, tant «Dom Juan» a su fédérer les bonnes volontés. Beaucoup de monde et beaucoup d’émotion à en croire les yeux rougis et les franches accolades échangées sur les quais. Il faut dire que pour Mayu, cette chaloupe sera sa dernière construction, car la retraite arrive. «Ce bateau, c’est un trait d’union entre Mayu et la suite», explique Sébastien Godard qui s’apprête à reprendre le chantier naval avec Camille Fumat.

Sauvegarde du patrimoine lémanique

Au XIXe siècle, elles étaient une cinquantaine à voguer sur le lac, mais au fil des années, toutes les chaloupes à vapeur ont disparu des eaux lémaniques. «La forme est née en Angleterre, raconte Jean-Philippe Mayerat. Ces bateaux étaient adaptés à la navigation sur les plans d’eau intérieurs.» Il est prévu que «Dom Juan» sorte régulièrement en balade. Cinq personnes – en plus du pilote, du mécanicien et du mousse – peuvent embarquer à son bord.

Un «papa» ému

Rolle, dimanche 6 novembre 2022, mise à l'eau de la chaloupe le "Dom Juan", bâteau du XIXe siècle, entièrement créé par le chantier naval rollois Jean-Philippe Mayerat dit Mayu, photos Cédric Sandoz

Difficile d’échanger plus de trente secondes avec Mayu sans être interrompu par une connaissance venue l’embrasser et le féliciter. Pour le constructeur naval rollois, l’émotion est allée crescendo jusqu’à la mise à l’eau de la chaloupe sur les coups de 10h. «Tous les bateaux que j’ai construits ont leur personnalité propre, mais celui-là, c’est le dernier», souffle-t-il, ému.

Le fruit d’un travail passionné

Camille Fumat, ex-apprentie de Mayu, future repreneuse du chantier naval et marraine de «Dom Juan», ne se hasarde pas à estimer le nombre d’heures qui ont été nécessaires à la construction de la chaloupe. «Ça a été une œuvre collective, on n’a pas compté le temps passé dessus», explique-t-elle.

Un nouvel univers à découvrir

Guillaume Linder a été central dans la réussite du projet. Ce spécialiste de la propulsion vapeur qui travaille pour la CGN a apporté toute son expertise pour la confection du moteur. «Il maîtrise le sujet avec insolence, s’amuse Mayu. J’ai encore beaucoup à apprendre concernant l’univers de la vapeur.»

La chaloupe a rapidement fait connaissance avec l'île de la Harpe.

Rolle: Mayu a mis son dernier bateau à l’eau

Fruit d’innombrables heures de travail, la chaloupe à vapeur «Dom Juan» a quitté, dimanche, le chantier naval de Jean-Philippe Mayerat pour rejoindre le port de Rolle et le lac.