C’est le mépris total manifesté par les prévenus tout au long de la procédure et durant l’audience de la semaine dernière qui a constitué l’essentiel de la plaidoirie de Me Christophe Tafelmacher, avocat d’office d’une employée de maison philippine licenciée sans ménagement en 2019 par une famille indienne résidant dans le district de Nyon.

A l’ouverture de leur procès pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration et tentative de contrainte, le couple, âgé de 57 et 69 ans, a retourné l’accusation en dénonçant un complot ourdi par leur ex-employée pour leur extorquer de l’argent.

Son passeport avait été renouvelé par le consulat philippin à Genève. J’en ai déduit que cette instance avait vérifié la validité de son statut de résidente en Suisse.

Le prévenu

Le Ministère public de La Côte – absent lors des débats – leur reproche l’embauche de cette ressortissante des Philippines dépourvue de permis de séjour et de travail dans notre pays. «Nous sommes nous-mêmes arrivés en Suisse en 2009. En 2011, quand je l’ai engagée, je ne connaissais pas parfaitement les lois d’ici. J’ai constaté que son passeport avait été renouvelé par le consulat philippin à Genève et j’en ai déduit que cette instance avait vérifié la validité de son statut de résidente en Suisse», argumente, en anglais, le sexagénaire.

Un job à temps partiel pour une employée à demeure?

Son épouse explique ensuite que l’emploi en question n’était qu’à temps partiel, «juste quelques heures par semaine». «Faux, rétorque la plaignante. Je n’étais pas à temps partiel, vu que je résidais chez eux où je travaillais 13 à 14 heures par jour. Et ils m’avaient promis de faire le nécessaire pour réguler ma situation par rapport aux autorités suisses.»

En tant que résidents responsables en Suisse, nous n’allions pas continuer à employer une immigrante clandestine.

La prévenue

Son avocat a encore enfoncé le clou en rappelant que le couple indien devait lui-même renouveler chaque année son permis B. «Vous ne pouviez ignorer aussi longtemps qu’une pareille démarche était requise pour votre employée.»

Un licenciement brutal

Le licenciement a été plutôt brutal. Un ami de la domestique a appelé ses patrons pour les prévenir que cette dernière avait été interrogée par la police. «En tant que résidents responsables en Suisse, nous n’allions pas continuer à employer une immigrante clandestine», affirme la prévenue.

La famille indienne a alors entassé les affaires personnelles de son employée dans une dizaine de sacs-poubelle, les a stockés dans un cabanon de jardin avant de lui faire signer une quittance pour les 600 francs qu’elle lui versait pour solde de tout compte.

Après huit ans de service, la jeune femme s’est ainsi retrouvée sans emploi et à la rue. Elle relate aussi avoir été menacée par la maîtresse de maison qui aurait dit «si tu en parles aux autorités, tu vas voir ce qu’il va arriver à ta famille aux Philippines».

Une vaine tentative de conciliation

Après une vaine tentative de conciliation avec le Centre social protestant, plainte a été déposée. En audience, l’avocat de la plaignante a déposé des prétentions pour quelque 180 000 francs représentant, selon lui, le rattrapage des heures supplémentaires non payées, des vacances non prises par l’employée de maison et du non-respect du délai de congé.

Me Christophe Tafelmacher demande que le Tribunal de police de La Côte confirme les réquisitions du ministère public qui réclame dix mois de privation de liberté pour Monsieur et douze mois pour Madame, avec un sursis de deux ans, ainsi que des amendes de respectivement 3000 et 3600 francs. La Cour rendra prochainement son verdict.

Une famille indienne poursuivie pour avoir embauché une employée philippine sans permis

Incrédule et plutôt arrogant, un couple de ressortissants indiens devait répondre d’infraction à la loi sur les étrangers et de tentative de contrainte.