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Ne manquant ni d'esprit, ni d'à-propos, celui qui a longtemps été considéré comme le roi de la vanne à la télévision, le maître de la provocation, l'enfant terrible du paysage audiovisuel français, celui qui a décidé d'apporter une contribution majeure à la langue française en publiant récemment un dictionnaire drôle et impertinent, l'auteur de sketches et de plusieurs pièces à succès, était sur les planches du théâtre de Terre Sainte à Coppet où il interprétait l'un des personnages de sa dernière comédie, Les Bonobos.
Rencontre avec Laurent Baffie, avant son entrée en scène, un personnage complexe, qui fait tout pour travailler sa mauvaise image mais qui se révèle attachant, consciencieux et hypertalentueux.
Vous êtes à la fois sur les planches, sur les plateaux télé, à la radio et vous écrivez: comment faites-vous pour avoir tant d'activités?
Je suis un hyperactif qui est incapable de se mettre à une table de travail pendant plus de 10 minutes; je dois bouger continuellement, c'est d'ailleurs probablement à cause de cela que j'ai raté ma scolarité. Mon bureau? C'est ma tête! En fait, je bosse tout le temps, surtout la nuit car je suis insomniaque. Il faut toujours que je fasse plusieurs choses à la fois. Actuellement, je réponds à une interview tout en me rasant. Depuis plusieurs années, je me conditionne à utiliser le temps perdu, aux toilettes, par exemple... D'ailleurs, chaque fois que je vais pisser, mes potes me demandent quelle est la nouvelle inspiration de film, de sketch ou de pièce qui a germé pendant ce moment d'intimité. Toutes mes idées n'aboutissent pas forcément à un projet. A partir d'une intention, je dois concevoir un plan de développement avant de passer à l'écriture. Si le plan ne se profile pas, c'est que l'idée n'est pas bonne. J'ai commencé beaucoup de pièces que je n'ai pas terminées. Mon dictionnaire? Il m'a fallu trois ans pour le faire, à mes moments perdus, mais c'est une grande fierté. Je ne m'attendais pas à un tel succès; j'espérais en vendre 50 000 et nous en sommes à plus de 200 000. Quand j'étais jeune, j'avais une réputation de fainéant; en fait je suis un gros bosseur qui fait tout pour mener à bien ses projets.
Quelle est votre formation à la base?
Je n'ai aucune formation. Je voulais être comédien, mais je n'avais pas d'argent pour me payer des cours. J'ai tout entrepris en autodidacte. J'ai commencé par écrire des sketches pour une grande chaîne de radio française. Au début, c'était dur: il me fallait beaucoup de temps pour pondre quelque chose. Il faut dire que je n'avais rien foutu à l'école et que je n'avais donc pas de bases solides. Heureusement, je suis tombé sur des gens qui m'ont poussé à la lecture. J'ai comblé une absence de culture énorme. Comme je suis un excessif, j'ai beaucoup travaillé et suis devenu très pointu dans certains domaines tels que la zoologie, par exemple. Cela m'a d'ailleurs permis de créer des sketches sur le sujet à l'intention de Jean-Marie Bigard. J'ai beaucoup travaillé, mais de manière ludique car je n'aime pas le travail. Je déteste l'effort physique tel que la course, mais j'adore le tennis, car c'est un jeu et il y a un enjeu. Je me suis, en quelque sorte, refait une scolarité après ma scolarité.
D'où vient ce sens de la vanne, de la répartie? Est-ce que cela se travaille ou est-ce un don?
A l'école, j'avais découvert que l'humour était une arme et un moyen de fédérer les gens autour de soi. C'est là que j'ai commencé à exercer mon sens de la répartie de façon empirique. Quand une vanne marchait, je la refaisais. J'ai ainsi développé tout un système de réflexion qui m'a du reste valu beaucoup de renvois. Le sens de la répartie se travaille. J'assimile ça à des musiciens qui font un boeuf: il faut entraîner le sens de l'improvisation. La vanne est une mécanique minutieuse, il faut savoir la placer au moment opportun. Une vanne décalée de 10 secondes peut ne plus faire rire; le rire est très fragile, je me dis toujours qu'un effet perdu ne se rattrape pas. C'est aussi valable au théâtre: un effet peut être raté à cause d'un problème de rythme. Les comédiens me définissent comme "l'ayatollah du rire".
Vous faites tout pour entretenir une sale réputation, pourquoi?
Sur les plateaux TV, la provocation représente mon fonds de commerce. Par contre, au théâtre, c'est l'inverse. Le public paie sa place; je veux que les gens en aient pour leur argent, qu'ils rient, passent une bonne soirée et ressortent contents. C'est une grande préoccupation.
Pourriez-vous être un futur exilé fiscal, tel Gérard Depardieu?
Pas du tout, jamais. Je ne pourrai d'abord pas vivre ailleurs qu'en France. Certes, je ne trouve pas ça très moral mais je ne jette pas la pierre à ceux qui le font; chacun est libre. Concernant Gérard Depardieu, je ne pourrai jamais en dire du mal, même si je pense que Poutine est un dictateur. J'ai beaucoup d'affection pour ce grand comédien qui m'a refilé un sérieux coup de pouce en venant jouer gratuitement dans mon film. Je n'oublie jamais le mal qu'on m'a fait, mais je n'oublie non plus jamais le bien!
Quels sont vos projets?
Pour l'instant, je n'ai rien de concret. J'ai dû faire une grosse promo pour mon bouquin, ce qui fut très chronophage. J'ai envie de refaire un film car cela fait 10 ans que je n'en ai pas fait mais je n'ai actuellement pas d'idée. J'ai commencé un scénario et puis je me suis arrêté à la moitié, j'étais bloqué. J'ai parfois envie de me lancer dans l'art contemporain afin de transformer des objets, ce qui pourrait aboutir à une exposition. Je suis un touche à tout. J'ai plein d'idées, mais il me faudra des assistants pour m'aider à les réaliser car je ne dessine pas, je ne peins pas, mais j'ai tout dans la tête. Ce n'est pas une grosse préoccupation mais je cherche, donc, un atelier à cet effet.
Que pensez-vous du public suisse?
L'accueil du public suisse est toujours bienveillant. Les comédiens et moi-même n'avons jamais été déçus. Certes, les Suisses ne sont pas très démonstratifs, mais ils ont une qualité d'écoute qui est très agréable et qui nous porte dans nos prestations de comédiens.