Décidément, les sous-sols vaudois se montrent peu coopératifs quand il s’agit de partager la chaleur de leurs eaux avec les habitants de la surface. Après Lavey, c’est au tour du projet de géothermie de Vinzel de livrer des premiers résultats décevants.

Le communiqué de presse diffusé mercredi par la société EnergeÔ, qui pilote les opérations de forage, a beau souligner plusieurs aspects positifs bien réels (lire plus bas), impossible de se voiler la face: il s’agit bien d’une douche froide.

Un débit bien trop faible

Les opérations de forage menées depuis quatre mois, sept jours sur sept et 24 heures sur 24 ont bien permis d’atteindre l’aquifère – une couche poreuse permettant l’écoulement de l’eau – situé à 2233 mètres sous la commune de Vinzel, soit à la profondeur du Dogger, une strate datant du Jurassique moyen. Et comme attendu, de l’eau s’y trouvait, mais le débit mesuré ne permet pas de réaliser le projet de géothermie qui aurait alimenté entre 1500 et 3000 logements de Gland et environs.

Avec son «petit» 1,3 litre par seconde, l’eau croisée sous terre est donc loin d’atteindre le débit escompté, 30 litres seconde. Bref, le projet initial est abandonné. «Nous aurions bien évidemment préféré tomber sur cette ressource en abondance, commente Thierry Magnenat, président du Conseil d’administration d’EnergeÔ. Mais cela reste de l’exploration. Nous connaissons mieux la Lune que ce qui se trouve sous nos pieds.»

Moins chaude, mais abondante

Il a donc été décidé d’activer le plan B, une option prévue dès l’origine et faisant partie de l’enveloppe budgétaire du projet estimée à 30 millions de francs. Direction 1200 mètres de profondeur, là où se trouve l’aquifère dit du Malm (ou Jurassique supérieur). Lors d’un forage, une venue d’eau à très forte pression y a été observée. Mais la température étant inférieure à celle de l’eau trouvée plus bas, il faudra vraisemblablement adapter le projet.

Cela reste de l’exploration. Nous connaissons mieux la Lune que ce qui se trouve sous nos pieds.

Thierry Magnenat, président du Conseil d’administration d’EnergeÔ

«Nous devrons probablement revoir le modèle, qui tablait sur une température de 80°C, reconnaît Thierry Magnenat. Nous devons réfléchir à comment optimiser l’utilisation de cette ressource.» Pourra-t-elle être injectée telle quelle dans le réseau ou faudra-t-il la chauffer davantage?

Deux semaines de travail intense

Mais il ne faut pas brûler les étapes. Pour l’heure, les opérations sur le site sont suspendues. Les équipes consacreront leur temps à l’analyse des données récoltées et aux réflexions sur les suites à donner au projet. Les résultats de ces évaluations et la concrétisation de ce plan B seront communiqués dans une quinzaine de jours.

Signe que les enjeux sont importants et que le travail est conséquent: il a été décidé que le comité de direction d’EnergeÔ restera en retrait le temps de s’acquitter de sa tâche. «Il répondra ensuite à toutes les sollicitons dans une approche transparente, comme ce fut le cas pour lors de toutes les étapes du projet» , nous a-t-on précisé dans un courriel.

Nyon toujours d’actualité

Plus loin dans le temps, ces mauvaises nouvelles en provenance de Vinzel auront-elles une incidence sur d’autres projets de géothermie de la région, comme ceux de Nyon et d’Etoy? «La mission d’EnergeÔ et d’explorer le potentiel du sous-sol dans un secteur compris entre Etoy et la frontière genevoise. Et Nyon est assurément une priorité, puisque le projet de chauffage à distance va se concrétiser», rappelle Thierry Magnenat, par ailleurs directeur des SI Nyon.

Chauffage à distance à Nyon: et si cette fois les planètes étaient alignées?

La faille de Nyon, clairement identifiée lors de la campagne de sondages menée en 2021, a du potentiel et les résultats obtenus à Vinzel ne le remettent pas en question. Mais certains actionnaires pourraient être un peu refroidis par les forages de Lavey et Vinzel. Si certains devaient se désister, il faudra alors élargir le cercle des investisseurs.

Mieux connaître ce qui se trouve sous nos pieds
Si l’eau découverte n’a que partiellement répondu aux attentes, ces quatre mois d’opérations menés sur le site de Vinzel ont fourni des données précieuses sur le sous-sol de la région. «Avant de forer, nous ne disposions que d’informations incomplètes, note Thierry Magnenat. Nous avons à présent des certitudes.» Les profondeurs, les épaisseurs et la nature des couches ont pu être confirmées. Pour rappel, jamais le sous-sol de La Côte n’avait fait l’objet d’un forage à de telles profondeurs.

Géothermie à Vinzel: «Nous connaissons mieux la Lune que ce qui se trouve sous nos pieds»

Porteur d’espoir, le projet de géothermie à Vinzel connaît un important revers. Mais un plan B prometteur devrait prendre la relève.