«Nous avons commencé de zéro, avec deux petits bureaux au fond d’un corridor à l’hôpital d’Aubonne, une secrétaire, un téléphone et un fax! », se souvient la Dre Rebecca Dreher en racontant l’ouverture du Centre mémoire le 12 juin 2012. Les six premiers mois, une cinquantaine de demandes lui sont adressées.

Dix ans plus tard, l’équipe pluridisciplinaire qu’elle dirige suit 368 patients, dont la moitié est des nouveaux cas arrivés en 2021. «Nous estimons que moins de 50% des personnes souffrant de troubles cognitifs consultent», précise Rebecca Dreher à Rolle où le Centre est installé depuis 2016.

«Le déclin de la mémoire des personnes âgées n’est pas une fatalité, au contraire, il faut toujours rester exigeant», insiste-t-elle. Dans la vie de tous les jours, la famille s’adapte et compense pendant des mois, voire des années, les troubles cognitifs d’un proche. «Souvent les enfants se partagent les tâches, ce qui morcelle la gravité de la situation en l’absence d’une vue d’ensemble et retarde le diagnostic», observe la spécialiste.

Identifier la maladie

«Nous utilisons le terme Alzheimer de façon générique pour désigner les problèmes de mémoire et de dépendance, parce que c’est un vocabulaire commun avec le grand public», explique Rebecca Dreher. Cependant, les syndromes neurocognitifs ne présentent pas le même degré de gravité.

Le cerveau est organisé en plusieurs types de mémoire qui ne sont pas tous affectés dans un premier temps. Le diagnostic précoce permet d’identifier cliniquement la nature de la maladie. La lente détérioration dans un domaine cognitif et pas dans un autre, énerve bien souvent l’entourage qui en est témoin avant de l’inquiéter. «Lorsque les proches comprennent les symptômes, cela limite les tensions», souligne la spécialiste.

Sans traitement curatif, un diagnostic précis est d’autant plus important que toute la prise en charge se concentre sur des mesures conservatoires. L’hygiène de vie, l’adaptation de l’environnement pour solliciter les circuits de la mémoire qui ne sont pas encore touchés, le maintien du style de vie, sont autant d’éléments qui ralentissent le processus de dégradation et favorisent l’autonomie.

Evénement ouvert au public à Gland
L’anniversaire du Centre Mémoire de la Côte met en lumière les pathologies de troubles de la mémoire qui sont des maladies complexes à diagnostiquer avec de fortes exigences d’accompagnement. A cette occasion, le Réseau Santé la Côte et l’Ensemble Hospitalier de la Côte organisent une conférence sur les progrès du diagnostic précoce. Ouverte au public, elle se tiendra le lundi 20 juin à 18 h 30 à Gland, salle Montoly. Sur place, le public pourra s’informer sur l’ensemble des prestations régionales. Il est conseillé de s’y rendre en transports en public pour éviter les problèmes de parcage.

Organiser la prise en charge

Le Centre Mémoire de la Côte intervient au moment du diagnostic, la mise en place d’une prise en charge individualisée du patient et du suivi annuel. «L’infirmière de l’équipe est la porte d’entrée pour organiser les aides nécessaires et adaptées ainsi que toutes les ressources possibles», précise Rebecca Dreher.

Sur le terrain, au quotidien, le Réseau Santé la Côte, très engagé auprès du Centre Mémoire, est l’un des points névralgiques pour orienter les patients et leurs familles à tous les stades de la maladie au plus près de leurs lieux de vie. Les personnes qui disposent encore des facultés cognitives suffisantes peuvent ainsi bénéficier du centre d’accueil temporaire (CAT) Mémoire, mis en place par l’Ensemble hospitalier de la Côte. Il se répartit sur trois sites: Aubonne, Morges et Rolle. Des après-midi «Club Mémoire» y sont également proposées.

A la Fondation Belle Saison, le directeur adjoint, Stefano De Micheli, constate que les familles tardent encore trop souvent à entrer dans la chaîne de prise en charge, privant leurs proches de l’étape du CAT mémoire et de ses clubs.

«Nous estimons que moins de 50% des personnes souffrant de troubles cognitifs consultent.»

Dre Rebecca Dreher, Centre Mémoire de la Côte

Bénéficier des prestations

«Il faut profiter d’un diagnostic précoce pour bénéficier au plus tôt des CAT et faire comprendre aux familles qu’il ne s’agit pas d’un abandon», affirme Stefano De Micheli.

Il soulève ainsi toute la problématique des proches aidants qui portent sur leurs épaules un quotidien de plus en plus lourd au fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Médecins et accompagnants redoutent le cercle vicieux qui isole le patient et son proche aidant, parfois jusqu’au burn-out de celui-ci. «La méconnaissance des prestations à leur disposition reste trop importante, le médecin de famille reste une source essentielle d’information et d’orientation», dit-il sans détour.

Tous les interlocuteurs, que ce soit le Centre Mémoire, le Réseau santé la Côte, ou encore les structures d’accueil des patients, soulignent la volonté de tirer sur la même corde du maintien à domicile promu par le Canton. Mais en arrière-fond, il est difficile de ne pas entendre les appels du pied au Canton pour renforcer la solidité de cette corde. Les attentes se concentrent sur l’adaptation des structures d’accueil pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et des syndromes associés.

Infos pratiques

www.reseau-sante-lacote.ch/consultation-memoire
Centre Mémoire de la Côte www.ehc-vd.ch

Troubles de la mémoire: les bénéfices du diagnostic précoce

Le dixième anniversaire du Centre Mémoire de la Côte est l’occasion de parler sans tabou de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés, dont l’importance du diagnostic précoce.