Longtemps méconnues en raison d’une longue procédure judiciaire, les conclusions du rapport d’enquête administrative diligentée par le Canton sur le fonctionnement de la Municipalité de Perroy accablent en particulier le syndic lui-même, Didier Haldimann. Le chef de l’exécutif s’est opposé à la transmission de ce document jusqu’au Tribunal fédéral mais n’a pas eu gain de cause, en avril dernier.

Retour sur les faits. Aux mois de juillet et d’août 2021, les deux sociétés Château de Malessert et Château de Perroy saisissent le Conseil d’Etat et dénoncent le fonctionnement de la Municipalité de Perroy, reprochant en particulier à Didier Haldimann de ne pas respecter les règles sur la récusation et les conflits d’intérêts (lire sous-papier). Le 21 septembre 2021, Christelle Luisier, cheffe du Département des institutions et du territoire (DIT) charge la préfète du district de l’Ouest lausannois d’une enquête administrative sur ces faits.

Un peu plus d’un mois plus tard, le 29 octobre, Anne Marion Freiss rend son rapport. Les deux sociétés en sollicitent tour à tour une copie. Didier Haldimann s’oppose à la divulgation du document, faisant recours de la décision du DIT à l’échelon cantonal puis fédéral.

Possibilité d’être suspendu ou révoqué

«En conclusion, les dispositions des articles 65 a et 139 a de la Loi sur les communes ont été violées. Le serment a également été violé. La question de la saine gestion des biens communaux est également ouverte», relève la préfète dans le rapport que nous avons eu en mains. Le premier article concerne la récusation et le second la question de sièges vacants d’un exécutif. En juin 2021, l’ancienne Municipalité avait pris deux décisions sans quorum et aurait dû faire appel à l’Etat.

Le nœud du problème

Le Château de Malessert, via la société Vignes et Domaines Sother SA, avait soumis à enquête publique, en 2021, son projet de créer une halle viticole et de nouveaux chais. Elle avait suscité deux oppositions émanant d’une proche du syndic et d’un de ses colistiers pour les élections communales. Il aurait donc dû se récuser tout au long du traitement du dossier. Par ailleurs, la Municipalité d’alors avait proposé de recourir contre la décision de la Centrale des autorisations en matière de construction (Camac) autorisant le projet du Château de Malessert. Finalement, le permis de construire a été délivré par l’exécutif actuel et le projet est en cours de réalisation.

«Ce que j’ai pu lire dans le rapport est extrêmement choquant, exprime Maxime Sother, directeur général du Château de Malessert. Il est maintenant clair que Monsieur Haldimann utilise l’argent public pour mener à bien ses vendettas personnelles. On voit par exemple très bien dans le rapport qu’il a balayé toutes tentatives de conciliation, même lorsque ses propres collègues municipaux l’ont proposée. Ce Monsieur entame des procédures contre nous depuis 2016 et n’a jamais daigné nous rencontrer ou simplement échanger avec nous.» La procédure d’achat de Malessert avait duré des années à la suite de plusieurs recours du syndic jusqu’au Tribunal fédéral.

Quant à la société Château de Perroy, elle prévoyait de réaliser, en 2021, des travaux à l’intérieur du bâtiment. L’ancienne Municipalité, dont faisait partie Didier Haldimann, n’avait pas donné son feu vert à leur réalisation. «Le syndic exploite le domaine du château, dont son épouse, l’une des nombreuses descendantes des actionnaires de la holding, était la fermière jusqu’au 31 décembre 2022», explique Maître Isabelle Salomé Daïna, avocate de la société.

Et de préciser: «Le soupçon de conflit d’intérêts ayant donné lieu à la dénonciation de ma cliente résidait dans le fait que le syndic et son épouse semblaient poursuivre l’objectif d’acquérir non seulement le domaine mais aussi le château à vil prix, soit celui défini par les règles du droit agraire, et que le syndic semblait user des prérogatives de sa fonction municipale pour atteindre cet objectif.»

Dès août 2021, la nouvelle Municipalité avait néanmoins autorisé les travaux. «Je n’ai pas de décision à communiquer à ce stade sur les suites que ma cliente entend donner à ce rapport», conclut Maître Isabelle Salomé Daïna.

«Au vu de l’ensemble des pièces, documents produits et auditions recueillies, il y a lieu d’examiner l’application de l’article 139b, au regard de son alinéa 3 lettres c et d, à l’endroit du syndic Didier Haldimann», conclut la préfète. L’article? Il se réfère à la possibilité dont dispose le Conseil d’Etat de suspendre ou révoquer un ou plusieurs membres d’une Municipalité ou d’un Conseil général ou communal.

Monsieur Haldimann n’a donc fait l’objet d’aucune mesure de suspension.

Jean-Luc Schwaar, directeur général du Département des institutions, du territoire et du sport (DITS)

«La suspension d’un membre d’une Municipalité nécessite une requête des autorités communales (de la Municipalité ou de la majorité des deux tiers du Conseil général ou communal, Ndlr). Or, dans le cas de Perroy, aucune demande de ce type n’a été formée à l’endroit de Monsieur Haldimann. Celui-ci n’a donc fait l’objet d’aucune mesure de suspension», informe Jean-Luc Schwaar, directeur général du Département des institutions, du territoire et du sport (DITS).

No comment

«La Municipalité ne souhaite pas commenter ce rapport et ses conclusions dont elle a pris connaissance en novembre 2021, contrairement au Conseil communal qui n’a pas été autorisé à le consulter, explique pour sa part la vice-syndique Juliette Leprince-Ringuet. On espère que le syndic se prononcera sur les suites qu’il entend donner à ce rapport, c’est à lui de se positionner.»

La Municipalité ne souhaite pas commenter ce rapport et ses conclusions.

Juliette Leprince-Ringuet, vice-syndique

Joint par téléphone, le syndic a également affirmé qu’il ne souhaitait pas le commenter lui-même, renvoyant à ses deux avocats. «Didier Haldimann est en arrêt maladie depuis juillet 2022 à la suite d’un Covid long. Il a récemment dû être hospitalisé en raison d’une embolie pulmonaire, explique son avocate Maître Miriam Mazou. L’évolution de son état de santé est heureusement favorable de sorte qu’il devrait pouvoir prochainement occuper à nouveau la présidence de la Municipalité.» «Je mets actuellement la priorité sur ma santé», nous a-t-il confié.

«Le contenu du rapport du 29 octobre 2021 et ses conclusions, notamment s’agissant du prétendu non-respect des règles de récusation, sont fermement contestés par mon client qui n’envisage donc pas de démissionner, poursuit Maître Mazou. D’ailleurs, le Conseil d’Etat auquel ce rapport a été adressé en octobre 2021 n’y a donné aucune suite.»

Et l’avocate lausannoise de préciser encore: «Malgré ses demandes, Didier Haldimann n’a jamais pu avoir accès au dossier censé soutenir la teneur de ce rapport, ni aux procès-verbaux d’audition. Il a ainsi été privé de la possibilité de faire valoir ses moyens.»

Je mets actuellement la priorité sur ma santé.

Didier Haldimann, syndic

«La récusation s'imposait»

«De juillet 2020 à début mars 2021, les règles de récusation ont été appliquées conformément aux exigences légales», relève pour sa part la préfète au sujet de la position du syndic dans les deux dossiers des châteaux de Malessert et de Perroy. «En revanche, précise-t-elle, tel n’a plus été le cas dès le 15 mars 2021. Preuve en est qu’il n’y a pas de procès-verbaux de récusation pour la période du 1er mars au 30 août 2021. Dès la fin mars, le syndic a participé au traitement de ces dossiers pour lesquels la récusation s’imposait.»

Le contenu du rapport et ses conclusions, notamment s’agissant du prétendu non-respect des règles de récusation, sont fermement contestés par mon client qui n’envisage donc pas de démissionner.

Maître Miriam Mazou, avocate du syndic

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