Rarement aussi à l’aise que lorsqu’il doit défendre le monde paysan, le conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba (PLR) a martelé mardi dans une ferme de Palézieux son credo. Avec en toile de fond à ses yeux, «la passion» qui anime les agriculteurs ainsi que la nécessité pour les consommateurs-citoyens d’être «cohérents» entre leurs exigences de durabilité envers le monde agricole et les concessions nécessaires pour admettre le prix des produits de proximité ou les «odeurs» parfois désagréables de certaines activités campagnardes.

Car, derrière les enjeux législatifs pointent des inquiétudes existentielles: «Je reçois de nombreux appels d’agriculteurs, ils me disent ne plus comprendre le monde dans lequel on vit», a souligné le chef du Département de l’économie, de l’innovation et du sport. Prométerre, l’association de promotion des métiers de la terre, «salue» d’ailleurs l’engagement du Conseil d’Etat pour «réconcilier» paysans et gens des villes.

Je reçois de nombreux appels d’agriculteurs, ils me disent ne plus comprendre le monde dans lequel on vit.

Philippe Leuba, chef du Département de l’économie, de l’innovation et du sport vaudois

Afin de mieux soutenir ce monde rural, qui sort à peine des très fortes tensions de la votation sur les pesticides, le canton de Vaud augmente de 25% son crédit-cadre (2021-2023) en faveur des améliorations foncières pour atteindre 30 millions de francs, soit «un montant inégalé, considérable», selon Philippe Leuba. Une somme «vaudoise» à laquelle s’ajoutent 12 millions de la Confédération.

Sous cette dénomination se cache «un outil» essentiel pour les agriculteurs et leurs exploitations. Sans les détailler tous, le conseiller d’Etat a mis en exergue le caractère «concret» des avancées, même si elles ne sont pas spectaculaires de prime abord. Ces projets tendent précisément à rapprocher le monde rural, qui veut nourrir la population et non pas «cultiver des petites fleurs», et les consommateurs, en grande majorité urbains, qui demandent une meilleure prise en compte de l’environnement et du bien-être animal.

Les domaines concernés sont donc nombreux: protection des eaux, consolidation des sols, valorisation du paysage, renforcement des filières de production ou développement des porcheries «paille et soleil».

Cochons heureux

Car «le cochon vaudois est le plus heureux de Suisse», n’a pas pu s’empêcher le ministre, qui a rappelé «les railleries» lorsqu’il avait présenté en 2017 son projet en réaction aux diverses accusations et vidéos montrant des dérapages et de la maltraitance de porcs sur sol vaudois. Aujourd’hui, les résultats sont là, avec 70% des cochons vaudois qui bénéficient de ces installations «5 étoiles», contre 50% au niveau suisse. «Nous pouvons ainsi assurer le bien-être animal sans réduire la production porcine.»

Le crédit-cadre voit large, avec de l’aide apportée aussi à des aménagements écologiques, portant par exemple sur l’usage parcimonieux de l’eau d’irrigation. Les améliorations peuvent paraître modestes, comme les places de lavage spécifiques pour les véhicules d’épandage de produits phytosanitaires. Autant de rejets qui ne se dispersent pas dans la nature, s’est réjoui le conseiller d’Etat qui ne nie pas les grosses difficultés de certains secteurs, à l’instar de la betterave.

Avec ces mesures et soutiens financiers, l’Etat s’engage en faveur du monde agricole qui doit s’adapter aux nouveaux défis écologiques en particulier. Avec l’espoir en parallèle que les consommateurs fassent l’effort d’apprécier ces produits.

L’agriculture, c’est d’abord l’expression d’une passion.

Philippe Leuba, chef du Département de l’économie, de l’innovation et du sport vaudois

Et Philippe Leuba de livrer son sentiment: «En réalité, l’agriculture, c’est d’abord l’expression d’une passion. Vous n’acceptez pas dans le monde d’aujourd’hui les sacrifices nécessaires à l’exploitation agricole si vous n’êtes pas un passionné. Je constate que nos écoles d’agriculture sont pleines. Donc pleines de gens qui ne sont pas attirés par la rémunération, qui ne sont pas attirés par le niveau du confort. Ils sont conscients des sacrifices, aussi pour le conjoint. Il n’y a pas une exploitation qui survive sans l’engagement du conjoint aujourd’hui. La femme est un pilier qui tient la maison. Il faut juste reconnaître ça».

Protection des eaux

Outre l’annonce du crédit-cadre, le conseiller d’Etat a brièvement présenté le rapport sur la politique agricole vaudoise pour la législature 2017-2022. Il en a jugé les résultats «encourageants», notamment à cause de l’accent qui a été mis sur la protection des eaux. Il a souligné «l’augmentation spectaculaire» des paiements directs écologiques, qui sont passés de 6 à 24%.

Tous les cantons n’ont pas la chance d’avoir autant d’argent à disposition.

Luc Thomas, directeur de Prométerre

Luc Thomas, directeur de Prométerre, s’est dit bien conscient des efforts du gouvernement. «Nous les saluons, tous les cantons n’ont pas la chance d’avoir autant d’argent à disposition.» Il a relevé «l’excellente collaboration» avec l’Etat. A ses yeux, le crédit-cadre est «un des éléments essentiels» pour résoudre l’antagonisme entre la production agricole et l’impact sur l’environnement.

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