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Le rêve nucléaire suisse fondait avec le réacteur de Lucens

Il y a 50 ans, l’accident nucléaire le plus grave de l’histoire suisse s’est produit à Lucens. La fusion partielle du coeur de réacteur expérimental, l’un des accidents nucléaires les plus importants au monde, a mis fin au rêve nucléaire suisse.

15 janv. 2019, 15:32
Il y a 50 ans à Lucens se produisait le pire accident nucléaire de Suisse.

Le responsable de la protection contre les radiations est tombé sous le choc lorsqu’il a fait sa tournée d’inspection peu après l’arrêt automatique inattendu de l’installation. À l’entrée de la caverne du réacteur, il y avait un badge d’un employé, ce qui indiquait que ce dernier se trouvait dans la zone concernée.

Derrière la porte, dans la caverne du réacteur, le gaz de refroidissement qui fuyait avait atteint une concentration mortelle. La radioactivité était à un tel niveau qu’elle dépassait la valeur maximum des instruments de mesure. Mais il y a eu un peu de chance dans le malheur: l’employé dont le badge se trouvait à l’entrée a été retrouvé sain et sauf, il n’était pas dans la salle concernée, il y avait simplement oublié son badge.

Caverne pas étanche

Mais la caverne du réacteur n’était pas complètement étanche: les radiations se sont propagées jusqu’à 100 mètres de la salle de contrôle. Dans la caverne la plus proche du réacteur, une équipe impliquée dans l’arrêt de la turbine a été irradiée. Comme les douches de décontamination étaient inutilisables, les travailleurs ont dû trouver une solution de remplacement et se sont douchés sans eau chaude.

L’installation n’était pas non plus complètement hermétique vis-à-vis de l’extérieur. La radioactivité a faiblement augmenté dans les villages voisins, sans toutefois atteindre des valeurs dangereuses, selon deux responsables de la radioprotection de la Commission fédérale pour la surveillance de la radioactivité.

La construction souterraine du réacteur a protégé la population du pire. Mais ce choix d’un réacteur enterré a probablement causé l’accident: l’eau pénétrant de l’extérieur s’est avérée problématique depuis le début.

Corrosion en cause

Ce fut le cas après la première phase d’exploitation de l’installation qui dura trois mois en 1968. Lorsque l’usine a été fermée pour révision, l’eau s’est infiltrée à l’insu du personnel. Elle a provoqué la corrosion du revêtement en magnésium des barres de combustible.

Des écailles de rouille se sont détachées et ont bloqué les tuyaux du gaz de refroidissement. Lorsque les opérations ont repris le matin du 21 janvier 1969, il a fallu 13 heures pour que le cœur fonde, prenne feu et explose.

Démantèlement

L’usine a été démantelée en 1973, les matières radioactives ont été en partie laissées sur le site et en partie transportées au centre d’entreposage temporaire des déchets nucléaires à faible radioactivité de Würenlingen (AG). Aujourd’hui, le canton de Vaud utilise les salles qui n’ont pas été comblées par du béton comme dépôts pour les musées.

La Suisse était passée à un cheveu d’un drame. Elle va en limiter l’impact sur l’opinion publique par une communication habile. Dix ans plus tard, un accident nucléaire de la même gravité à Three Mile Island aux Etats-Unis provoquait un tollé dans le monde entier. Ce ne fut pas le cas pour Lucens.

Intérêt militaire

A la fin des années 1960, la Suisse percevait encore l’énergie nucléaire comme une source d’énergie propre et inépuisable. Le fait que du plutonium de qualité militaire soit produit lors de la fission pour la production d’électricité se révélait également très pratique pour la Suisse pendant la guerre froide.

Ces dernières années, plusieurs critiques ont souligné que l’intérêt militaire était primordial dans le cas de Lucens et primait sur une utilisation civile. Lorsque le réacteur expérimental a alimenté pour la première fois le réseau public en électricité le 29 janvier 1968, l’énergie nucléaire était déjà bien établie en Suisse.

Les producteurs d’électricité suisses s’étaient lancés dans le nucléaire avec des réacteurs américains. Les travaux de construction de la centrale de Beznau I avaient commencé en 1965 et ceux de la centrale de Mühleberg deux ans plus tard. L’entreprise Sulzer s’était d’ailleurs retirée du projet de Lucens en 1967.

Si le projet de Lucens, dont les coûts budgétés ont presque doublé, a continué, c’est par intérêt pour la bombe atomique, selon deux auteurs de livres. Car l’événement fascine toujours, que ce soit le physicien et chimiste Peter Beutler dans son roman policier «Lucens» ou l’historien Michael Fischer dans son prochain livre «Atomfieber» («La fièvre de l’atome»).

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