«Rapproche le micro de Christophe, la personne qui doit parler.» Erich Burgener donne d’entrée le ton lors d’un entretien avec les auteurs du livre «Le gamin et l’idole», publié aux éditions Favre. Sa modestie l’incite à prendre du recul face à Christophe Vauthey, l’homme à l’origine de cet improbable voyage dans le temps qui réunit un ancien gardien de l’équipe nationale de football et un diplomate au service du Département des affaires étrangères. Un trait d’union relie leurs parcours de vie dont le récit alterne d’un chapitre à l’autre. Il naît des émotions éprouvées quand un ballon rond entre en jeu. Comme acteur pour l’un et comme un passionné de cette discipline pour l’autre.

Une enfance sur les gradins de la Pontaise

Leurs rôles au sein de cette équipe gagnante sont définis dès le coup d’envoi de ce match, toujours en cours, qui s’étire sur quarante années de vies parallèles. Le gamin grandit à Payerne où il voit le jour en 1968. Paul et Michel, son papa et son oncle, le conduisent régulièrement à la Pontaise où ses yeux se fixent sur l’idole, ce joueur du Lausanne-Sport dont la couleur du maillot diffère de ceux de ses coéquipiers.

L’objectif n’était pas de rédiger la biographie d’Erich. Elle existait déjà.

Christophe Vauthey, coauteur du livre «Le gamin et l’idole»

«Le coup de frein imposé par la crise sanitaire m’a donné le temps de replonger dans cette période», motive Christophe Vauthey. «Les 80 ans de mes deux accompagnants au stade ainsi que la disparition de plusieurs joueurs dont les exploits ont marqué mon enfance m’ont motivé à la raconter.» Diego Maradona, Gerd Müller ou Paolo Rossi notamment ont définitivement quitté les stades depuis l’irruption du virus.

Une Coupe de Suisse soulevée en 1981

Cette inspiration le ramène naturellement à ce numéro un dont les arrêts ont animé ses rêves de gosse. «Je ressentais deux grandes frustrations dans ma carrière de supporter: le LS qui ne gagnait rien et l’équipe de Suisse qui ne se qualifiait plus pour les grandes compétitions.» La première se comble en 1981 lorsque l’équipe vaudoise remporte la Coupe de Suisse, la deuxième exige plus de patience avant de s’effacer dès le début du vingt et unième siècle.

Erich Burgener défend le filet vaudois lors de la finale gagnée. Il officie comme entraîneur des gardiens en sélection au moment où les Helvètes refoulent les terrains de l’Euro ou du Mondial. Cette double présence l’impose comme le partenaire de jeu naturel de l’auteur. «Il incarne ce football romantique qui n’est plus, celui de la proximité avec les joueurs que l’on côtoyait à la sortie du stade. L’objectif n’était pas de rédiger une biographie. Elle existait déjà.»

«Pourquoi un livre sur moi?» interroge son héros dont l’invitation bouscule l’humilité. «J’ai plus de 70 ans. Tout le monde m’a oublié. Les moins de 40 ans n’étaient même pas nés quand j’ai arrêté la compétition en 1986. Je comprends la démarche par rapport aux joueurs actuels. Le public ne les voit plus qu’à travers un écran de télévision. Les fans veulent les connaître. Dans mon cas, tu viens avec du réchauffé. Je suis plutôt présent et futur.»

L’argument ne convainc pas son coéquipier d’écriture dont la persuasion finit par s’imposer. «A la patinoire lors des matchs du Lausanne HC ou au restaurant, je rencontre toujours quelqu’un qui parle de lui. Ces échanges m’ont toujours conforté dans mon choix de rédiger nos histoires en parallèle.»

Un pull du Servette FC en souvenir

La nostalgie séduit plus le supporter que le joueur. «Celui qui vient chez moi ne peut pas se douter que j’ai joué au foot. J’ai distribué mes maillots aux enfants plutôt que de les conserver à la poussière.» L’admirateur de la Pontaise a hérité d’une tunique du Servette Football Club. «Le dernier pull qui restait», motive le donateur.

Pourquoi un livre sur moi? Les gens m’ont oublié, en tout cas les moins de 40 ans.

Erich Burgener, coauteur du livre «Le gamin et l’idole»

Ce passage des frontières cantonales reflète aussi celui vécu par l’enfant de Rarogne. «Valaisan de papiers et Vaudois de cœur», résume Christophe Vauthey à son sujet. «Je suis devenu Vaudois tout en restant Valaisan», reprend l’idole. «Je reviens régulièrement dans mon canton d’origine, mais de moins en moins de personnes me relient à lui. Je ne vais pas forcément à Rarogne. J’échange aussi avec Sepp Blatter de temps en temps. Lors d’un de nos contacts durant l’été, il m’a dit: «Je me prépare pour un retour en mode commando.» Le procès de Bellinzone avec Michel Platini venait de s’achever.»

Les noms des deux anciens dirigeants ramènent les pensées à cette phase finale du Mondial dont le coup d’envoi sera donné dans le désert qatari le 20 novembre. A l’heure de la consécration du football business, «Le gamin et l’idole» apporte un vent de fraîcheur d’un autre temps bienvenu. A apprécier sans modération.

Livre: «Le gamin et l’idole» ou comment le gardien Erich Burgener a fait rêver le fan Christophe Vauthey

Le gardien valaisan et le diplomate vaudois offrent un passionnant voyage dans le temps en revisitant leur parcours de joueur et de supporter.