Les métiers de demain devront satisfaire les exigences de durabilité, mais comment les encourager? Depuis juin, une étude de terrain vise à la mise en place d’un revenu de transition écologique dans le canton de Vaud. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) teste déjà plusieurs mesures de réinsertion professionnelle ayant pour vocation la réduction de notre empreinte écologique.

Dans le canton de Vaud, le taux de personnes à l’aide sociale a varié entre 4,4 et 4,8% entre 2016 et 2020, indique le Département de la santé et de l’action sociale. S’agissant des programmes d’insertion, 4200 places sont offertes cette année. Originalité: depuis bientôt deux ans, une partie de ces bénéficiaires peuvent effectuer leur réinsertion entre trois mois et une année au sein de 11 projets à vocation écologique, tels que «le tri de vêtements et de denrées alimentaires ou la sensibilisation à l’écologie dans le cadre d’ateliers, de cours de langue ou de coaching».

Les bénéficiaires souhaitent surtout se sentir utiles.

Giovanna Laffranchi, responsable des mesures sociales, l'Eveil

L’un d’eux, intitulé Cultive ton talent, est un des nouveaux ateliers donnés par l’Eveil, à Lausanne. Depuis 27 ans, la structure s’adresse aux personnes en rupture sociale. «Nous nous sommes rendu compte que les bénéficiaires souhaitaient certes se réinsérer mais surtout se sentir utiles, et acquérir des compétences qui puissent faire sens», explique Giovanna Laffranchi, responsable des mesures sociales. Jeunes en recherche d’avenir, trentenaires diplômés désillusionnés par leur vocation ou quadras en reconversion professionnelle suite à une perte d’emploi: «Tous ont de fortes attentes dues à une prise de conscience que notre modèle, autant socialement qu’écologiquement, ne peut continuer ainsi.»

La nature et l’humain

Influencé par une approche issue de la permaculture, l’Eveil n’offre pas seulement des stages sur ses deux terrains agricoles de Préverenges et Paudex, mais étend cette philosophie «de soin de la nature comme de l’humain» aux formations entrepreneuriales plus classiques qu’il prodigue à ses bénéficiaires. Giovanna Laffranchi raconte le parcours d’une diplômée en management du sport, éreintée par deux burn-out, ayant pu monter un cabinet de médecine mettant en réseau de manière participative praticiens et thérapeutes en formation, sous l’égide des valeurs de circularité et de durabilité.

Tous ont de fortes attentes dues à une prise de conscience que notre modèle, autant socialement qu’écologiquement, ne peut continuer ainsi.

Giovanna Laffranchi, responsable des mesures sociales, l'Eveil

Si, à l’image de Cultive ton talent, nombre de ces mesures de réinsertion proposent des stages dans des institutions, entreprises ou coopératives vertes déjà existantes, un autre dispositif veut contribuer au développement de ces secteurs. Le revenu de transition écologique (RTE), concept développé par l’économiste de l’Université de Lausanne Sophie Swaton, «vise à donner un revenu monétaire sous condition d’une activité qui participe à la transition écologique, avec un aspect formatif et l’insertion dans un réseau de compétences et projets similaires», résume Thomas Polikar, chargé de mission chez Zoein, créé par la chercheuse. En collaboration avec cette fondation et la DGCS, l’Entraide protestante suisse (EPER) a lancé en juin une étude destinée à analyser les opportunités et obstacles d’un RTE sur territoire vaudois.

Décarbonisation du social

Pour la responsable de projet Céline Lafourcade, «la décarbonisation du social entamée est intéressante, mais l’on voudrait potentialiser cela afin d’insérer ces secteurs durablement dans l’économie du canton.» Des entretiens avec les acteurs de l’alimentation et la mobilité durables, ou encore l’économie circulaire, indiquent que ces secteurs sont prometteurs, mais «reçoivent peu de soutien des autorités publiques pour leur développement, contrairement aux secteurs technologiques, par exemple», note Céline Lafourcade. Le cadre réglementaire, notamment concernant le commerce international, «favorise peu l’économie tournée vers le local et il est moins rentable de respecter les limites planétaires; un soutien sous forme de RTE serait un signal fort» pour ces futurs emplois verts, ajoute-t-elle.

Cultive ton talent, programme proposé par l'Eveil à Lausanne, permet la réinsertion via un projet écologique. Photo: Clara Braun

La DGCS indique offrir 160 places dans la réinsertion verte cette année, mais attendra un rapport de la fondation Zoein fin 2022 avant de se prononcer sur les résultats atteints depuis août 2020. Dès cet automne, l’étude de l’EPER permettra, elle, de formuler des recommandations sur le potentiel de développement dans le canton. Avec comme objectif le lancement d’un projet pilote RTE en 2023, «avec peut-être une trentaine d’emplois, dont il est difficile de chiffrer le potentiel de décarbonisation, mais nous sommes en train d’établir des critères d’entrée (diminution de l’empreinte écologique, amélioration des entreprises existantes)», spécifie Céline Lafourcade.

Cette étude du RTE s’inscrit dans le sillage de l’acceptation d’un postulat de la verte Rebecca Joly au Grand Conseil l’an dernier. Il faudra donc attendre 2023 pour découvrir sous quelles modalités le canton développera ces différentes approches.

Vaud: l’emploi vert pour un nouveau départ

Plusieurs projets vaudois cherchent à conjuguer reconversion professionnelle et transition écologique.