"Les Français, du moins la grande majorité d'entre eux, semblent avoir peur de tout: du chômage croissant, de la détérioration économique, de la mondialisation, des étrangers trop nombreux, de l'Union européenne, de l'islam conquérant et intolérant", déclare l'historien Michel Winock en commentant une enquête commandée et publiée dans Le Monde vendredi.
Tel est le sombre tableau d'un pays hanté par la peur du chômage d'après une enquête qui confirme des constats plus anciens.
D'après cette étude réalisée ce mois-ci par internet auprès d'un échantillon représentatif d'un bon millier de personnes, un Français sur deux (51% contre 49%) se dit certain que "le déclin de la France est inéluctable". Ce constat sur les craintes et la morosité à la française est récurrent depuis plusieurs années.
"Les Français vivent dans la crainte alimentée par des éléments rationnels comme le chômage (qui touche plus de 10% de la population active) et la perte de pouvoir d'achat", indique à l'AFP le sociologue Gérard Mermet, qui scrute depuis 1985 la société française à la tête de son institut Francoscopie. Autre élément anxiogène: un "modèle républicain" qui "ne tient plus ses promesses de liberté, d'égalité, de fraternité", ajoute-t-il.
Peurs extérieures
La défiance l'emporte dans quasiment tous les domaines. Concernant la politique, 72% affirment que "le système démocratique fonctionne plutôt mal en France". Les médias sont éreintés: 58% pensent qu'ils "font mal leur travail", 72% que les journalistes "sont coupés des réalités".
"La France s'accroche désespérément à des choses qui ont été des atouts dans le passé: système social, centralisation, poids de l'Etat", reprend le sociologue Gérard Mermet. Et les Français, selon lui, retardent l'heure des adaptations douloureuses.
Mondialisation, Europe, immigration, islam: les peurs françaises sont aussi alimentées par des facteurs externes qui ont un impact quotidien.
La mondialisation? Une menace pour 61% des personnes interrogées. Une majorité (65%) se montre d'accord pour renforcer les pouvoirs de décision de la France "même si cela doit conduire à limiter ceux de l'Europe".