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"Quel que soit le résultat, ce ne sera plus jamais pareil"

Jusqu'à tard hier soir, 4,3 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes pour le référendum sur l'indépendance.

19 sept. 2014, 00:01
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Quand Nick Mackey s'est levé, hier matin, il ne savait pas ce qu'il allait voter. Il a bravé l'épais brouillard d'Edimbourg et pris sa décision en chemin. "Je n'ai pas arrêté de changer d'avis. Quel que soit le résultat, ça ne sera ni le paradis que les uns promettent, ni l'enfer dont les autres nous menacent", relativisait ce cadre de 34 ans, après avoir glissé son bulletin dans l'urne, à Walpole Hall, une ancienne église servant de bureau de vote.

Moins flegmatiques, les Ecossais se sont en majorité rués dans les bureaux, souvent avec émotion, passion et le sentiment d'écrire l'histoire. Dans le calme la plupart du temps, parfois avec des pointes de tension. Des files d'attente s'étaient formées avant l'ouverture du scrutin, à 7h (8h en Suisse), et le défilé s'est poursuivi jusqu'à 22h (23h en Suisse). A Edimbourg, un demi-million d'habitants, la capitale écossaise, aisée et cultivée, les avis étaient partagés.

Jack Methven, un ancien chauffeur de taxi de 72 ans, était sûr de lui "depuis toujours". "J'ai toujours su que l'Ecosse était une nation. Nous avons été vendus à l'Angleterre il y a 307 ans par une poignée d'aristocrates", estimait-il. Quel que soit le résultat, il serait "toujours le même homme", mais en cas de victoire du camp indépendantiste, il prévoyait de "fêter le début d'une nouvelle ère avec un petit verre de scotch". A Craigmillar, quartier populaire du sud d'Edimbourg, les partisans de l'indépendance ont organisé une "marche de la liberté" pour aller voter tous ensemble. "Ici, c'est 95% de oui", fanfaronnait Honoar Flynn, une mère de famille. "Comment je le sais? On se connaît tous, on se parle!"

"Le jour où l'Ecosse contre-attaque"

Une cinquantaine de personnes ont emboîté le pas d'un joueur de cornemuse en kilt à travers les HLM. "C'est le jour où nous venons reprendre notre nation, le jour où l'Ecosse contre-attaque", scandait, d'un ton martial, Derek Durkin dans son mégaphone. Vieux en chaises roulantes, familles avec chiens, enfants à bicyclette, on se dirigeait gaiement vers le bureau de vote à la bibliothèque à côté du Lidl. Sur place, Sheila Gilmora, députée travailliste au Parlement de Westminster, ruban "No" à la boutonnière, achevait une longue et difficile campagne. "Il y a des gens qui votent non ici, même si c'est vrai que le oui est plus représenté que dans le reste de la ville et du pays. Tous les soirs, j'avais l'impression d'être une grand-mère grincheuse, alors que le camp du oui promettait aux gens de les affranchir de tout ce qui ne va pas."

Dans un quartier résidentiel de classes moyennes, Louise Wills, scientifique dans la santé, est venue avec son mari et leurs deux bambins blonds angéliques de 3 ans et 5 mois habillés en bleu blanc et rouge. Anglais installés à Edimbourg depuis dix ans, ils ont voté non. "Nous sommes très inquiets", reconnaissait Louise avec gravité. "Mon mari travaille dans la finance, il comprend bien les enjeux économiques. En cas d'indépendance, on va penser à partir, même si ce n'est pas simple: on a une maison, un emprunt."

Invectives sur un trottoir

Au centre-ville, des militants du oui et du non s'invectivaient sur un trottoir. Un indépendantiste reprochait un peu brusquement à une dame qui défendait l'union de gêner les électeurs. "Je suis encore assez jeune pour savoir ce que je fais", résistait-elle. "Pas assez jeune pour avoir une vision de l'avenir", rétorquait l'autre. Retraitée, Diana Sievewryght est née en Ecosse, sa soeur en Angleterre, d'une mère anglaise et d'un père écossais. Ses deux fils écossais qui vivent en Angleterre sont furieux de ne pas pouvoir voter. "Je suis britannique", insistait-elle. "Je ne veux pas être gouvernée par ces voyous."

Mohammed Moynuckarim, étudiant bangladais de 30 ans, est sorti du bureau de vote. "J'ai voté oui. On ne peut pas mélanger l'eau et l'huile. Les Ecossais ont une identité différente. Nous aussi on était sous la domination du Royaume-Uni jusqu'en 1947, on sait ce que ça veut dire. L'Ecosse mérite de se libérer."

La dernière fois que Louise Letham avait voté, c'était contre Margaret Thatcher. En glissant son bulletin dans l'urne, hier après-midi, elle s'est sentie "triste". "La pensée de me réveiller dans une Ecosse indépendante me rend malade", confiait cette traductrice née à Glasgow. "Je vois la joie des supporteurs du oui, leur fanatisme, une terrible antipathie antianglais. J'ai peur qu'ils réagissent très mal s'ils perdent. Quel que soit le résultat, ce ne sera plus jamais pareil." EDIMBOURG, FLORENTIN COLLOMP, LE FIGARO

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