Notre système auditif est fonctionnel 24h/24h. Pas de possibilité de replier le pavillon de l’oreille pour assourdir le bruit comme on peut baisser les paupières pour se reposer de la lumière. A l’instar des autres sens, il s’émousse avec l’âge. Vieillir et moins bien ouïr va de pair.

Cependant, l’audition est fragilisée à tout âge par l’exposition prolongée au bruit, lors de chocs ou d’un traumatisme crânien ainsi que par des maladies inflammatoires ou virales. Ces causes peuvent provoquer une perte auditive. Dans la grande majorité des cas, l’hypoacousie due à une lésion de l’oreille interne est irréversible. La perte d’audition s’accompagne aussi d’une sensibilité accrue au bruit lorsque la qualité de la transmission des sons est altérée.

De l’entrée du conduit auditif au cerveau

L’oreille est un organe sensible et sophistiqué. «L’onde acoustique est une vibration d’air qui avance comme une vague sur le lac, l’oreille moyenne la transforme en vibration liquidienne et dans l’oreille interne, les cellules auditives codent les fréquences en pulsations électriques qui stimulent le nerf auditif, enfin le cerveau traite les sons», explique le Dr Raphaël Maire, responsable de la Consultation d’audiologie et otoneurologie du CHUV.

Le système auditif transmet l’information au cerveau de manière totalement neutre. En revanche, notre cerveau travaille en fonction de notre éducation et de nos ressentis émotionnels. «On ne s’habitue pas au bruit, on le tolère selon notre mode de vie et de l’environnement sonore qui nous est familier», précise Raphaël Maire. Ce qui va paraître insupportable à l’un, par exemple l’aboiement d’un chien, sera naturel pour le propriétaire de l’animal.

La sensibilité au bruit ne se discute pas, car un même bruit affecte chaque personne différemment.

Dre Micaela Ödman, ORL

Au secours, les enfants hurlent!

Le niveau sonore des très jeunes enfants, souvent insupportable pour des oreilles adultes, interroge sur leur sensibilité au bruit.

La Dre Micaela Ödman, spécialiste en Oto-rhino-laryngologie (ORL) à Morges, avance qu’à cet âge, les rhumes et les otites sont fréquents, obligeant les enfants à parler très fort parce qu’ils ont les oreilles bouchées. Au-delà, ils sont socialement très sensibles à l’excitation du groupe, «crier est un exutoire qui les libère sans les gêner, la sensibilité fine arrive un peu plus tard», ajoute-t-elle.

Ce n’est pas parce qu’ils supportent leurs propres hurlements que leur système auditif est à toute épreuve. La partie du cerveau qui traite l’information auditive est encore en développement entre 4 et 8 ans. En règle générale, l’enfant détecte les fréquences aiguës comme l’adulte à partir de 5 ans et les fréquences graves à l’âge de 10 ans. L’ouïe des adolescents et jeunes adultes surexposés à des décibels d’une intensité excessive est plus sensible aux risques de lésions auditives que celle des personnes plus âgées.

Paradoxe: perte auditive et hypersensibilité aux bruits

Le bruit se définit par du son ressenti comme dérangeant, indisposant, nuisible ou préjudiciable. «La sensibilité au bruit ne se discute pas, car un même bruit affecte chaque personne différemment», affirme Micaela Ödman.

Cependant, sur l’échelle de la sensibilité, certaines personnes souffrent d’une hypersensibilité auditive qui se manifeste par un seuil de tolérance au bruit anormalement bas. Elles sont facilement agressées, avec une impression de saturation à l’exposition de certains sons.

«Paradoxalement être dérangé par certains sons forts n’est pas le signe d’une bonne audition mais parfois d’une perte auditive. Celle-ci peut aussi entraîner des sons distordus ou métalliques», souligne Micaela Ödman. Dans ces conditions, augmenter l’intensité de fréquences qu’on entend mal provoque rapidement une sensation désagréable, jusqu’à atteindre son propre «seuil d’inconfort auditif», précise-t-elle.

Intensité sonore+temps d’exposition=risque auditif

Au-delà d’une intensité de 85 décibels, l’ouïe doit être protégée. Le risque auditif se calcule par un cumul entre l’intensité et le temps d’exposition.

Plus le son est fort, moins on dispose de temps d’exposition sans risquer des lésions. «Par exemple aller à un concert dont l’intensité sonore va atteindre 100 décibels ne présente pas un risque majeur à condition de ne pas y aller plusieurs fois par semaine», observe Raphaël Maire. L’exposition intensive en plein air comme au Paléo peut se gérer en s’éloignant momentanément de la source sonore, mais en milieu fermé, la réverbération du son représente un risque accru.

Le seuil d’inconfort auditif alerte et pousse instinctivement à diminuer le volume sonore ou à s’éloigner. Le seuil de 120 décibels, cause une sensation douloureuse au niveau de l’oreille et le risque de lésion augmente considérablement. «Des sons brefs de forte intensité, par exemple, un coup de feu (170 décibels) ou un coup de trompette (150 décibels), peuvent détruire les cellules sensorielles parfois de façon définitive», souligne le spécialiste.

Plus le son est fort, moins on dispose de temps d’exposition sans risquer des lésions.

Prévenir et protéger

Selon les chiffres de la Suva, près de 200’000 personnes en Suisse sont exposées professionnellement à un niveau sonore supérieur aux limites autorisées. Les lésions auditives se développent principalement à un jeune âge et sont irréversibles. Elles représentent la catégorie des maladies professionnelles la plus fréquemment reconnue. La prévention revêt donc une importance capitale.

«En matière de prévention, la Suva effectue obligatoirement des contrôles de l’ouïe auprès du personnel des entreprises qui présentent des risques d’atteinte», précise Jean-Luc Alt, porte-parole de la Suva.

Le site internet de l’institution met à disposition des professionnels et du grand public une manne d’informations dont 56 tableaux de niveaux sonores selon les branches professionnelles et des brochures concernant les activités de loisir. En effet, si les employeurs ont l’obligation de mettre en œuvre les mesures légales de protection contre le bruit, dans la sphère de la vie privée, certains loisirs comme la musique ou le bricolage, mettent l’audition non protégée à rude épreuve.

Les aides auditives pour passer du bruit au son

Les conséquences délétères des troubles auditifs non pris en charge conduisent à l’isolement et portent atteinte à la santé dans son ensemble.

Les aides auditives sont bien souvent la seule solution pour améliorer l’audition altérée avec ou sans acouphène. Elles permettent de transformer en tout ou partie le bruit insupportable en sons distincts. L’enquête publiée en mars 2022 par l’Observatoire suisse de la santé (OBSAN) montre que plus de 8% de la population présentent des troubles de l’audition.

Le taux d’appareillage chez les personnes à l’âge de la retraite a quasiment doublé en 25 ans. En revanche, «dans le groupe d’âge des 15 à 24 ans, seul un sixième des personnes souffrant de déficience auditive portent un appareil». L’appareillage a un coût. La prescription médicale d’un appareil auditif par un ou une spécialiste ORL est une condition nécessaire pour que les assurances entrent matière.

Moins on distingue les sons, plus on entend du bruit

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