La Chine trône sur le podium des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES) aux côtés des Etats-Unis et des… animaux de rente. L’élevage pèse 14,5% du total libéré chaque année, et les bovins sont à eux seuls responsables des deux tiers de ces émissions. Principalement du méthane, 80 fois plus impactant que le CO2 pour le climat sur vingt ans, mais à la durée de vie plus courte.

C’est pourquoi le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que la réduction des émissions de ce gaz est l’un des moyens les plus efficaces et les plus rapides pour coller à la trajectoire de +1,5 °C de limitation du réchauffement d’ici à 2100. Message reçu lors de la récente Conférence internationale sur le climat (COP26) de Glasgow: une centaine de pays ont signé un accord pour diminuer de 30% la production de méthane entre 2020 et 2030.

Machine à méthane

Engagée dans cette alliance, la Suisse a du potentiel en la matière. Sur près de 16% des émissions de GES de l’agriculture en Suisse, plus de 85% sont imputables à l’élevage (1,52 million de têtes de bétail). Prenons une vache qui broute sur un pâturage. Au-delà de l’image qui fleure bon la campagne, quelque chose fait tache dans le paysage: les pets et surtout les rots du ruminant. Quand il mange, le bovin transforme l’herbe en une nourriture riche en protéines.

Le mécanisme? Une multitude de microbes se chargent de fermenter l’aliment fourrager pour faciliter la digestion dans le rumen, l’un des quatre estomacs de la vache. Le méthane s’échappe alors dans l’air par les voies naturelles. Rien que les 550 000 vaches d’élevage en Suisse émettent au total environ 75 000 tonnes de méthane lors de la digestion, soit 1,9 million de tonnes d’équivalent CO2.

Il est possible en revanche de changer les composants du fourrage et les ingrédients pour réduire ces émissions.

Sandra Helfenstein, porte-parole de l’Union suisse des paysans

La vache est une machine à fabriquer du méthane et le restera. «On ne peut pas changer ce processus naturel», reconnaît Sandra Helfenstein, porte-parole de l’Union suisse des paysans. «Il est possible en revanche de changer les composants du fourrage et les ingrédients pour réduire ces émissions.» De nombreux instituts de recherche à travers le monde travaillent depuis des années sur le sujet, y compris celui de la Confédération, Agroscope. Le centre fédéral a étudié l’action des aliments pour animaux, comme le sainfoin, riche en tanins, les graines de lin, riches en acides gras insaturés, mais aussi les additifs alimentaires naturels (extraits de tanins, huiles essentielles).

«Les effets sont variables et il existe encore peu de données sur les effets à long terme», relativise Joël Bérard, responsable du domaine de recherche stratégique Systèmes de production animaux et santé animale. «Mais l’optimisation des rations alimentaires des animaux de rente et l’utilisation d’additifs alimentaires jouent un rôle. Dans des conditions idéales, un potentiel de diminution de 10 à 15% des émissions a été observé.» Ajoutées au fourrage, les graines de lin extrudées et les graines de colza moulues ont par exemple permis de réduire de 7% les émissions de méthane quotidiennes des vaches laitières.

Des additifs alimentaires

Plusieurs start-up suisses se sont positionnées sur ce marché de niche (voir ci-dessous. A l’image d’Agolin SA, qui commercialise depuis 2007 un mélange d’extraits naturels de plantes (à base de graines de coriandre et de girofle) sous forme de microbilles à mélanger à du fourrage. L’additif fait déjà partie du régime alimentaire de quelque 5% des vaches laitières en Europe, mais aussi aux Etats-Unis et en Asie, relève la directrice technique Béatrice Zweifel. «C’est un produit qui a un effet sur la performance: l’animal mange moins de fourrage pour produire la même quantité de lait, voire plus», assure-t-elle. D’après la méta-analyse réalisée par cette entreprise basée à Bière, chaque animal émet ainsi environ 9% de méthane en moins.

C’est un produit qui a un effet sur la performance: l’animal mange moins de fourrage pour produire la même quantité de lait, voire plus.

Béatrice Zweifel, directrice technique d’Agolin SA

«Il existe un certain potentiel de réduction des émissions de méthane par l’élevage, si les conditions-cadres sont mises en place», résume Joël Bérard. «La gestion du troupeau ou l’adaptation du système de production pourrait offrir d’autres solutions.» Des réflexions ont été menées sur la combinaison de la production de lait et de viande et l’utilisation de races à double attitude. Agroscope étudie aussi la possibilité de sélectionner des bovins qui produisent moins de méthane. «Des résultats prometteurs pourraient être obtenus par une sélection génétique ciblée», estime le spécialiste.

Encore faut-il encourager les éleveurs à s’y mettre. A l’image de Bertrand Godel, éleveur à Ecublens, ils se sentent peu incités à faire le pas. «Nous observons une prise de conscience de toute la branche», convient-il. «Mais on ne nous donne pas de but à atteindre ni suffisamment d’informations sur le sujet. Le souci, c’est qui paie? Il faudrait un petit sucre pour motiver les éleveurs.»

Les effets de la longévité

Les paiements directs servent déjà d’instrument d’incitation pour les paysans. Dans la «Stratégie climatique à long terme 2050» de la Confédération, un stimulus financier est par exemple prévu pour la durée d’utilisation des vaches. «Si cette durée est plus longue, l’efficacité est améliorée et les pertes de nutriments sont réduites», éclaire Jonathan Fisch, porte-parole de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). «De cette façon, le taux de remonte (taux de vaches à remplacer, ndlr) est réduit et la production laitière plus élevée des vaches plus âgées est mise à profit.»

Si cette durée est plus longue, l’efficacité est améliorée et les pertes de nutriments sont réduites.

Jonathan Fisch, porte-parole de l’Office fédéral de l’agriculture

Des études conduites à l’EPFZ ont également montré que l’augmentation de la longévité des vaches et du nombre de lactations favorisait la réduction des émissions de méthane par kg de lait et par rapport à la production totale. La vache durable, l’avenir de l’élevage?

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Résistant à la sécheresse et plante au rendement élevé, le sorgho pourrait remplacer certaines surfaces de maïs. L’idée germe dans la tête de chercheurs d’Agroscope.