Lorsque le bébé naît, sa vision est floue (5% de la vision adulte) et en noir & blanc. Il distingue surtout les objets très contrastés de près avec un champ de vision réduit. Tous les enfants naissent hypermétropes, car les yeux n’ont pas encore la taille adulte.

Entre 7 et 10 ans, la vision, étape par étape, devient mature à 100%, comparable à celle de l’adulte. Malheureusement, lorsque la vision d’un enfant est anormalement basse, cela ne saute pas forcément aux yeux des adultes qui l’entourent.

Les troubles de la réfraction, même légers, concernent 15 à 20% des jeunes enfants (astigmatisme, myopie, hypermétropie) et lorsqu’un seul œil est touché ou que les deux yeux n’atteignent pas leur potentiel visuel maximal malgré un traitement adéquat, on parle d’amblyopie.

La vision de loin

Disposer d’une acuité visuelle de 100% signifie la capacité de voir de très petites choses à distance «Par exemple regarder les montagnes au-delà du lac et y percevoir un détail ou des transitions de contrastes proches», précise la Dre Nathalie Voide, ophtalmologiste à l’Hôpital Jules Gonin à Lausanne.

Les petits enfants n’en ont pas besoin dans leurs activités quotidiennes. Ils vont vers les objets qui attirent leur attention dans leur champ de vision. Certes, «ils ne sont pas encore aptes à distinguer tous les dangers extérieurs éloignés ou les objets qui arrivent rapidement vers eux, cependant ils perçoivent bien leur environnement et on peut leur faire confiance» ajoute la spécialiste.

Les rendre attentifs les entraîne à exercer leur vision de loin. Néanmoins, entre ce qui est normal chez l’enfant dont le système optique est encore en développement et celui dont la vision est déficiente, quelques symptômes peuvent alerter les parents.

Epidémie mondiale de myopie
Ce sujet soulève la problématique des enfants et des écrans. Nathalie Voide précise qu’aucune étude n’a démontré un lien entre écrans et pathologies oculaires. L’augmentation de la myopie s’expliquerait en partie par la réduction du temps passé à l’extérieur et l’intensification des activités en vision de près, dont la lecture par exemple. Passer davantage de temps dehors pour bénéficier de la lumière naturelle permet de réduire ce risque. La spécialiste préconise aussi de laisser une distance de la longueur de l’avant-bras dans les activités en vision de près. Autre bon conseil aux enfants: leur donner l’habitude de regarder au loin pendant 20 secondes chaque 20-30 minutes pour reposer la vue, lorsqu’une activité proche et soutenue est demandée.

Dépistage et correction précoce

Un bambin qui se cogne tout le temps, plisse les yeux qui sont souvent irrités ou encore n’ose pas se lancer sont des exemples. «Dès le moment où il y a un doute, un dépistage est recommandé; quand la vue d’un enfant est bien corrigée, on constate un changement de comportement très rapidement», insiste Nathalie Voide.

La maturation visuelle implique que les deux yeux collaborent et sont alignés. Le cerveau développe la binocularité entre 6 et 9 mois. Lorsqu’un œil voit moins bien ou louche, deux images de qualité différente sont renvoyées au cerveau. Celui-ci se concentre alors sur le développement des voies visuelles de l’œil qui renvoie l’image la plus nette et va laisser tomber l’autre. «Il faut donc dépister et corriger le plus tôt possible cette rivalité entre les deux yeux, le pédiatre, allié précieux de ce dépistage, effectue d’ailleurs les premiers tests visuels», conseille Nathalie Voide.

Lorsque le trouble de la réfraction touche les deux yeux, il n’y en a pas un pour soulager l’autre. Dans tous les cas, l’enfant accommode sa vision et s’adapte aussi longtemps qu’il le peut. Cette adaptation se fait au prix d’un forçage sur ses yeux qui aggrave le problème.

«Les enfants ne sont pas encore aptes à distinguer tous les dangers extérieurs éloignés ou les objets qui arrivent rapidement vers eux.»

Dre Nathalie Voide, Hôpital Jules Gonin

Malvoyance

Le déficit visuel limite l’accès à l’imitation. Les enfants observent beaucoup et ceux qui sont en partie privés de ce sens, doivent être guidés à chaque étape. L’enfant malvoyant est celui dont la problématique visuelle corrigée ne permet pas de dépasser une acuité visuelle de 30%.

Il faut décortiquer les gestes et les capacités de la motricité fine et globale. «Brosser ses dents, s’habiller, orienter un vêtement, écrire, couper sa viande, appréhender son environnement, rien n’est intuitif et accessible en un clin d’œil», explique Sophie Jumeau, ergothérapeute, instructrice en orientation et mobilité à la Fondation Asile des aveugles à Lausanne. Elle traite les conséquences liées à la problématique visuelle qui entraînent l’incapacité dans l’exécution d’une activité – lecture, écriture, déplacement, communication, tâches quotidiennes – et qui nécessitent des aménagements.

«Le déficit de vision demande à l’enfant énormément d’efforts au quotidien, une concentration soutenue et beaucoup de moyens de compensation, par exemple la posture sera bien souvent déséquilibrée ce qui entraîne des douleurs», relève Sophie Jumeau. Avec l’enfant et ses parents, des stratégies sont mises en place pour optimiser l’utilisation des compétences visuelles qui fonctionnent et améliorer l’accès à l’environnement.

La vue des enfants est à surveiller de près

Un enfant dont la vision est déficiente ne connaît pas autre chose, donc il ne s’en plaint pas. Un dépistage systématique au moment de la première rentrée scolaire est recommandé.