C’est dans un café nyonnais qu’elle nous donne rendez-vous. Un macchiato, un pain au chocolat avec des graines et quelques échanges de nouvelles plus tard, Delphine Schacher sort de son sac un classeur fédéral bien épais. Il contient une grande partie de son travail de photographe. Cette habitante de Begnins vient de recevoir le prix artistique de la Région de Nyon, d’une valeur de 10 000 francs, pour l’ensemble de son parcours.

Si Delphine Schacher a fait de la photographie son métier, c’est pour vibrer. «En photo, le plus important est la rencontre avec l’autre, le témoignage, beaucoup plus que la photo en elle-même. Je m’inspire alors de tout: du paysage, de l’histoire. C’est un moment suspendu qui vient à moi et que je capture, mais sans forcément retranscrire une objectivité», explique la photographe.

Begnins, mercredi 1er novembre 2023, portrait de Delphine Schacher, photographe, elle vient de recevoir le prix de la Région de Nyon, photos Cédric Sandoz © Cédric SANDOZ

La photographe Delphine Schacher travaille essentiellement à l’argentique. Elle prête une grande attention à la composition de l’image et à la lumière. Photo: Cédric Sandoz

Elle ouvre alors son classeur pour nous raconter et nous montrer les différents projets qui ont jalonné son parcours, mais aussi sa vie. Premiers clichés dévoilés, ceux de ses voyages en Roumanie. «La première image que j’ai de l’ailleurs, c’est l’assassinat du couple Ceausescu à la télé quand j’étais petite. J’ai alors pensé pendant longtemps que Ceausescu était sous mon lit.»

C’est donc avec une envie de découvrir qu’elle se rend dans un village roumain, entre 2012 et 2016, à la rencontre des habitantes et habitants. «Il y a quelque chose de mélancolique qui plane dans les pays postsoviétiques. Certains peuvent trouver cela triste, mais ça a suscité ma curiosité et l’envie d’y retourner.»

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Lors de ses voyages en Roumanie, Delphine Schacher a suivi les habitants d’un village. Photo: Delphine Schacher

Photographier des compositions artistiques

Delphine Schacher quitte ensuite Begnins et la scierie familiale où elle habite, pour la Birmanie. Elle y vivra durant une année avec son compagnon et leur nouveau-né. Elle décide de capturer le réel, en y ajoutant un aspect artistique, ce qui deviendra sa marque de fabrique. Elle compose des autels avec des déchets qui deviennent de véritables clins d’œil poétiques de la vie quotidienne.

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Un des autels que Delphine Schacher a réalisés avec des détritus lors de son séjour en Birmanie. Photo: Delphine Schacher

Photos en argentique
Delphine Schacher travaille à l’ancienne avec un appareil photo argentique. Avec dix clichés par film, elle prend le temps de photographier son sujet. Et découvre le résultat qu’une fois la photo développée. «J’aime quand il n’y a pas trop d’éléments sur une image. Quand c’est soigné, beau, épuré et avec une belle lumière», explique la photographe.

De retour à Begnins, Delphine Schacher enchaîne les mandats et les commandes photo tout en continuant à travailler à côté, notamment pour le téléjournal de la RTS. «J’ai toujours été attirée par les médias et les nouvelles.» Pendant le covid, elle s’est amusée à découper les titres des journaux et à en former des petits haïkus, sorte de poèmes japonais s’exprimant en quelques phrases courtes. Ce projet qui mêle médias, art et photo lui a permis d’aller donner un atelier au musée Photo Elysée. Elle n’exclut pas de se tourner, peut-être un jour, vers le photojournalisme et raconter le réel.

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Un des haïkus photographiques que Delphine Schacher a créé à partir de titres de journaux. Photo: Delphine Schacher

Retour aux sources

Pour l’heure, son côté artistique prédomine. Elle apprécie tout particulièrement les mandats où elle a carte blanche. Comme lorsque la commune du Val de Bagnes, en Valais, lui demande de réaliser une exposition sur la mort. «J’ai demandé à des habitantes et habitants de me donner des photos de leurs proches décédés. Ensuite, j’ai réalisé avec eux des cyanotypes de ces photos en y ajoutant des fleurs. J’ai adoré être avec eux et les inclure dans ce projet. Finalement, c’était le moment que l’on a passé ensemble qui comptait.» Le cyanotype est un procédé photographique ancien par lequel on obtient une photographie bleutée avec la lumière du soleil.

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Pour son exposition autour de la mort, Delphine Schacher a utilisé des photos qu’elle a décorées avec les proches de la personne décédée. Photo: Delphine Schacher

J’aimerais réaliser un projet avec les gens d’ici, les communes.

Delphine Schacher, photographe

En refermant son classeur, Delphine Schacher fait part de ses envies futures. Elle a des idées plein la tête. Entre autres, elle souhaite travailler sur la région où elle habite, sur ses racines. «J’aimerais réaliser un projet avec les gens d’ici, les villages. J’ai envie de travailler autour de l’archive et du témoignage.» Il n’est donc pas exclu de bientôt la croiser un appareil photo à la main sur les traces du passé local.

Biographie
Née en 1981, Delphine Schacher grandit à Begnins.
Après avoir obtenu son CFC de commerce, puis son diplôme de photographe en 2014, elle réalise plusieurs voyages en Roumanie entre 2012 et 2016.
En 2018, elle part vivre une année en Birmanie avec sa famille.
Depuis son retour, elle travaille en tant que photographe indépendante.
Elle reçoit le prix artistique de la Région de Nyon en 2023.

Delphine Schacher, photographe à Begnins, mélange l’art au réel

Habitante de Begnins depuis son enfance, la photographe Delphine Schacher a reçu le prix artistique de la Région de Nyon pour l’ensemble de son parcours.