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Coronavirus: la lettre aux aînés de Caroline Gebhard

«La Côte» propose une lettre adressée aux personnes les plus concernées par le Covid-19. Aujourd’hui elle est signée par notre journaliste Caroline Gebhard.

07 avr. 2020, 07:00
/ Màj. le 08 avr. 2020 à 07:00
lettre

Chers aînés, 

Lundi, j’ai préparé de la compote de pommes. Et j’ai laissé des morceaux, pour faire comme grand-maman. Depuis qu’on est bloqués à la maison, j’ai envie de l’imiter. Cuisiner des gâteaux avec ce que j’ai sous la main, raccommoder des vieilles chaussettes trouées au lieu de les mettre à la poubelle, nettoyer mes vitres pour mieux observer les fleurs sous ma fenêtre. 

De la compote de pommes, arrosée d’une tasse de verveine. Maman a bien essayé de reproduire cet en-cas, lorsque j’étais enfant. Les fruits, le sucre, la cannelle: tout y était. Mais pas cette saveur que grand-maman savait distiller dans les plats les plus simples. D’ailleurs, elle ne parlait jamais de compote, mais de «pommes cuites». Et il n’y a que chez elle qu’on se délectait de ce dessert frugal.

Grand-maman savait tirer parti de tout, et se régaler de choses simples. Avec elle, tout avait mille vies. Pas question de jeter: le grille-pain flambant neuf qu’on lui avait offert pour remplacer son vieux machin tout rouillé trône désormais dans ma cuisine. Quand grand-maman est partie, c’est moi qui en ai hérité. Elle l’avait soigneusement rangé dans l’armoire du salon, encore tout emballé. Jusqu’à la fin, elle a utilisé son toaster rafistolé pour réchauffer le pain rassis et ne pas en perdre une miette. 

Ce grille-pain, grand-papa doit l’avoir réparé au moins cinquante fois. Quand il partait bricoler, il disait toujours qu’il allait à la «boutique», jamais dans son atelier. Sans doute qu’il était un peu magicien, comme grand-maman. Dans leur bric-à-brac, il y avait toujours un truc à récupérer. Ils gardaient absolument tout, «au cas où».

Un ballon pour combler un petit creux, un sachet de sucre glané au café, un mouchoir en tissu tout froissé, une pomme un peu flétrie: dans son fourre-tout marron qui me faisait penser à une mallette de docteur, grand-maman avait toujours tout. Autant dire que l’expression «avoir plus d’un tour dans son sac» a dû être inventée pour elle. 

Grand-maman disait toujours qu’«il ne faut jamais rien laisser perdre». Sans doute un héritage de cette époque où elle avait vécu le rationnement. Mais chez elle, il y avait aussi ce bon sens terrien qui lui permettait de faire face à toutes les situations. 

Grand-maman n’est plus là, aujourd’hui, pour nous glisser ses petits conseils pratiques. Ça serait pourtant bien utile, à l’heure où on doit revenir à l’essentiel. Elle nous dirait que ça va passer, et qu’il faut rester fort. Je l’entends d’ici. Et elle a raison grand-maman: tout ira bien.  

Caroline Gebhard

 

Si vous désirez contribuer, et écrire votre lettre à nos aînés, vous pouvez adresser votre prose (1500-2500 signes) à entraide@lacote.ch.

Ces lettres sont lues dans l’émission de la RTS «Porte-Plume» diffusée du lundi au vendredi de 11h à 11h30. Une opération en partenariat avec «Le Nouvelliste», «Le Quotidien jurassien», «Le Journal du Jura», «La Liberté», «La Côte» et le mensuel «Générations».

 

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