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Retraite tachée à l'encre de Chine

A Dully, le célèbre peintre Zao Wou-Ki est au cœur d'une bataille juridique.

28 août 2012, 00:01
Le peintre chinois de Dully a besoin d'assistance quasiment en permanence, mais il garde pourtant le sourire.

RAPPEL DES FAITS

L'artiste peintre Zao Wou-Ki et sa troisième femme Françoise Marquet quittent Paris pour s'installer à Dully en octobre 2011. Alors que son fils Jia-Ling Zhao avait demandé une mise sous tutelle de son père en France, c'est sa belle-mère qui l'obtient, en Suisse. Depuis, une bataille juridique a été engagée par Zhao, qui assure que son père, s'il était capable de discernement, serait resté en France. Une sorte d'"affaire Bettencourt" bis pour la presse française. Le prix des toiles de l'artiste peut atteindre plusieurs millions de dollars.

Zao Wou-Ki est assis sur son fauteuil. Entouré de son épouse, il sourit. Sans forcément comprendre. Son regard est tourné vers le lac. A 92 ans, il semble avoir trouvé la paix dans la magnifique villa de Dully, où il a emménagé avec son épouse en octobre 2011. Selon Françoise Marquet, le couple était désireux de rejoindre les rives du Léman depuis plusieurs années. Pour profiter du calme, mais peut-être également des conditions fiscales avantageuses. S'il ne souffre pas d'un Alzheimer caractérisé, mais simplement de "vieillesse" selon sa femme, le maître franco-chinois de l'abstraction atmosphérique n'est plus compris que par cette dernière. Il essaie de parler, se promène dans son jardin et va tremper ses pieds dans le lac. Entre les six chats et trois chiens, la maison abrite des oeuvres du peintre. Et il est difficile de trouver meilleure vue sur le lac et le Mont-Blanc.

Jia-Ling Zhao (65 ans), le fils d'un premier mariage - Wou-Ki a une fille d'une deuxième noce -, aurait pourtant souhaité que son père reste à Paris, où il résidait depuis plus de 60 ans. Il décide en mars de demander la mise sous tutelle de Zao Wou-Ki. La requête est rejetée par un tribunal à Paris, incompétent car le peintre réside en Suisse.

Jia-Ling Zhao dépose une plainte pour abus de faiblesse contre X, qui pourrait aboutir ces deux prochains mois. "Jia-Ling Zhao et son père se voyaient au minimum une fois par semaine, affirme son avocat Jean-Philippe Hugot à Paris. Zao Wou-Ki a toujours affirmé qu'il ne voulait pas s'installer en Suisse, alors que son épouse l'envisageait déjà depuis 2004. C'est un manque de respect! Mon client se moque totalement des tableaux, il souhaite simplement que la volonté de son père soit respectée." Selon l'avocat de Jia-Ling Zhao, Françoise Marquet a décidé seule de vivre en Suisse, puisqu'il assure que Zao Wou-Ki ne peut plus s'exprimer depuis 2008. Ce qui pourrait être confirmé dans le cadre de l'enquête française.

Un fils proche ou éloigné?

"Je reste extrêmement confiant, relève pour sa part Pierre Genon-Catalot, avocat de longue date de Zao Wou-Ki. Jia-Ling Zhao est en conflit avec son père depuis très longtemps. J'ai fait leur connaissance bien avant les années 90 et c'était déjà le cas." Des propos confirmés par Françoise Marquet: "Le fils de Zao n'a jamais montré le moindre intérêt pour son père. Tout à coup, il se réveille!"

Depuis le mois de mai, selon une décision de la Justice de paix à Nyon, Françoise Marquet et le ténor du barreau genevois Marc Bonnant se partagent provisoirement la tutelle de l'artiste. Chaque décision doit être justifiée devant un magistrat. "Avant, Françoise le faisait avec le consentement de son conjoint, explique Marc Bonnant. Nous avons demandé la tutelle dans un souci de transparence et de clarté. De plus, en Suisse, la tutelle est plus contraignante qu'en France." Une mise sous tutelle définitive devrait être décidée dans un mois ou deux, selon Bertrand Demierre, avocat en Suisse de Françoise Marquet: "Le fils pourra alors faire entendre ses arguments lors de la procédure."

De Villepin en soutien

Lors de la demande de Jia-Ling Zhao en mars, de nombreux témoignages de sympathie ont été reçus par Pierre Genon-Catalot, l'avocat de l'artiste. "Ils décrivaient tous la façon exemplaire dont Françoise Marquet s'est occupée de Zao jusqu'à maintenant" , raconte l'homme de droit. Parmi les soutiens, ceux de l'ancien Premier ministre français et ami du peintre Dominique de Villepin, de l'écrivain Pierre Daix ou encore du couturier Emanuel Ungaro. Mais également celui de Sin-May, la fille de Zao Wou-Ki, qui a écrit à son frère: "La seule chose qui compte pour moi, c'est le bien-être de papa. Il est mieux depuis qu'il est à Dully. Le lieu est magnifique. Le personnel est compétent et attentif. Françoise a finalement pris la bonne décision."

"Ce n’est pas un déménagement à la cloche de bois!, s’exclame Marc Bonnant. A Dully, tout est plus agréable et plus facile qu’à Paris. Ce qui a été dit sur le déménagement et sur l’œuvre de Zao Wou-Ki, à l'initiative de son fils, dans la presse française, est faux, injurieux et assez imbécile. L'ensemble de la collection, appartenant à Zao Wou-Ki, a été transporté en Suisse, le plus officiellement du monde. La collection est donc en lieu sûr."

Une fondation pour promouvoir son oeuvre a été créée. Jia-Ling Zhao craint qu'elle serve à vendre des tableaux. "Il ne s'agit en aucun cas d'une société commerciale, atteste Françoise Marquet. Et Marc Bonnant de renchérir: "Depuis leur arrivée en Suisse, aucun tableau n'a été vendu."

Quant à la future succession, elle devrait se régler par un testament. "Il est établi depuis longtemps, affirme Marc Bonnant. Celui-ci est toujours valable. Il ne peut pas être modifié. Le changement de domicile allège uniquement la fiscalité. On ne peut pas déshériter un fils. Quoiqu'il arrive, femme et enfants sont protégés. Avec un testament, on ne peut que très légèrement privilégier ou diminuer une part ou l'autre."

Selon l'avocat, le droit stipule que la femme touche 50% de l'héritage contre 25% à chacun des enfants. "Tout le monde aura droit à sa part. Jia-Ling Zhao aura peut-être une bonne surprise. A défaut de savoir aimer, il faut qu'il apprenne la patience."

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