Une page se tourne pour de bon à Saint-Cergue. L’Auberge des Cheseaux, à l’abandon depuis des années, va être démolie.

Le Conseil communal a été animé, mardi soir, mais le sort du bâtiment en ruines n’a été que peu discuté. Les élus ont voté à une très large majorité la destruction de l’édifice (35 oui, un non et deux abstentions), bouclant, mine de rien, plus d’un siècle de l’histoire de Saint-Cergue.

Un projet de zone artisanale remis sur le tapis
Démolir, oui. Mais pour quoi faire? C’est la question posée mardi soir par Jean-Michel Rey, conseiller communal, qui n’a pas eu de réponse claire de la part de la Municipalité. L’une des possibilités évoquées par le syndic serait d’y implanter la nouvelle zone artisanale.
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L’interrogation ne date pas d’hier, puisqu’en 2017 déjà, la commune réfléchissait à un plan B pour les Cheseaux. Un projet de zone artisanale avait alors été évoqué par le conseiller communal Pierre-André Scheidegger. Le site de Crévaz-Tzevaux, utilisé pour le moment à cet effet, est inadéquat, car situé sur une zone de protection des eaux S3.
«On cherche une alternative. Donc nous pourrions faire des Cheseaux une zone d’utilité publique, puis une zone artisanale», précise Paul Ménard, syndic de Saint-Cergue.

«Elle a été construite en quatre morceaux. Le bâtiment tout devant, c’était vraisemblablement une ferme dans les années 1800. Au début du XXe siècle, la femme qui gérait la ferme hébergeait des enfants en difficulté», explique le conseiller communal Jean-Michel Rey, qui a lui-même longtemps investi les lieux.

Au milieu du XXe, l’auberge a connu son heure de gloire

Avançons jusque dans les années 1950. À ce moment-là, l’auberge était le centre névralgique de la vie saint-cerguoise, sous l’impulsion de la famille Vanni. À la place de l’actuel terrain de football se tenait une patinoire naturelle, sur laquelle se disputaient des matchs de hockey. Le bâtiment en bord de terrain était, par ailleurs, le vestiaire du Hockey Club de Saint-Cergue.

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Le HC Saint-Cergue disputait régulièrement des matches aux Cheseaux. Photo tirée du «Journal de Nyon» du 14 février 1980.

Inaugurée le 30 décembre 1953, cette patinoire a fermé ses portes en 1979. En cause? Son entretien, qui demandait énormément de travail d’arrosage. Depuis, les tentatives pour la ressusciter ont été nombreuses de la part des habitants comme de la commune. Par nostalgie et par attachement.

Un engin motorisé foulait également les Cheseaux durant l’hiver. L’attraction, un motorail du nom de «Bombardier Ski-Doo» inauguré en 1961, circulait sur une piste balisée à près de 40 km/h.

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L’engin motorisé, portant le nom de «Bombardier Ski-Doo», allait jusqu’à 40 km/h. Photo: «Feuilles d’Avis de Lausanne», du 22 février 1961.

Le grand retour de la mi-été

En 1990, la commune a racheté le terrain et Yuber Brahim en est devenu le nouveau gérant. Ce dernier avait déjà été à la tête des Cytises, un autre établissement du village. Outre son couscous royal, qui, a en lire les journaux d’alors, régalait les papilles des habitués, il avait remis sur pied la patinoire naturelle. Et ce n’est pas la seule chose qu’il a fait revivre, puisque c’est aux Cheseaux que la fête de la Mi-été a été réinstaurée en 1995, après 28 ans d’interruption.

Cependant, à la fin du siècle dernier, le tenancier constatait déjà l’impact du réchauffement climatique. Maintenir la patinoire naturelle alors que les hivers s’adoucissaient relevait presque de l’impossible. Cela lui revenait, en tout cas, extrêmement cher.

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En 1990, Yuber Brahim (d.) était le nouveau tenancier de l’Auberge des Cheseaux. Photo: «La Côte» du 7 août 1997, David Basset.

En 2000, Yuber Brahim fermait boutique. Il revenait alors à la commune de décider du sort de l’établissement. Une période très compliquée a alors commencé pour les Cheseaux. Quelques mois après la fermeture de l’établissement, le Conseil n’est pas parvenu à se décider. Fallait-il vendre? Fallait-il rénover? Les deux propositions ont été refusées de but en blanc.

L’attraction ferroviaire est restée à l’état de projet

Durant trois ans, outre des projets d’écurie et de minigolf, l’avenir de l’auberge était plus qu’incertain. Ce n’est qu’en 2003 qu’un partenariat s’est dessiné avec l’association Pro-Jet, dont Jean-Michel Rey était le directeur. L’association, qui œuvrait pour la réinsertion des jeunes, a racheté le terrain.

L’ancien directeur de Pro-Jet a créé la Fondation des Cheseaux en 2004 avec Christian Piguet et Dominique Pillet. Le but? Faire revivre les Cheseaux au travers d’un programme social destiné aux jeunes en réinsertion, mêlant hébergement, activités paratouristiques et artisanat.

L’extérieur du bâtiment a été réhabilité pour y aménager des terrains de pétanque et de football. L’intérieur, en revanche, restait vétuste. Jean-Michel Rey avait des idées plein la tête, plus originales les unes que les autres, mais il est allé de déconvenue en déconvenue.

Une attraction ferroviaire, des ateliers dans des wagons de 1904, un minigolf, ou encore un bar sans alcool… Ce sont là tous les plans que ce Saint-Cerguois réservait aux Cheseaux. Si certains n’ont tout bonnement jamais vu le jour, faute de moyens, d’autres n’ont pas connu le succès escompté.

«Pour le minigolf, on a été un peu snobés par les gens du village. Il y avait des préjugés, car c’était des jeunes en insertion. Et le restaurant, lui, ne vendait pas d’alcool. Il était donc moins attrayant», justifie-t-il.

Comme une malédiction

Les problèmes se sont alors enchaînés les uns à la suite des autres. Jean-Michel Rey a, quant à lui, tenté de porter l’auberge à bout de bras, à tout prix. «J’avais fait des promesses à la commune et je m’étais imposé de les tenir. Mais je n’avais plus les moyens», confie-t-il.

En 2009, Pro-Jet s’est retiré du programme social et Jean-Michel Rey, qui n’en était plus directeur a alors créé l’Association de l’Auberge des Cheseaux pour poursuivre son travail sur le site.

25.11.2010. St-Cergue. Association Auberge des Cheseaux. Rey Jean-Michel. photo Tatiana Huf.

Jean-Michel Rey avait beaucoup de projets pour les Cheseaux mais manquait de moyens pour les mettre en place. Photos: Archives Cédric Sandoz

Il a ensuite cédé sa place de président de la Fondation. «Ça ne s’est pas bien passé», se souvient-il. Dans le même temps, la buvette a été abandonnée et le restaurant a été confié à Pierre Blanc, un enfant du village. Mais, là encore, peu de clients ont répondu présent.

«Il y a un truc lié à ce site…», note Jean-Michel Rey. En effet, l’histoire s’est répétée. En 2016, après deux ans de fermeture, Alain et Natascha Kallenbach sont devenus les nouveaux tenanciers. Mais très vite ils ont, eux aussi, baissé les bras.

Dernier occupant des lieux, Stage Nature, une association qui accueillait des adolescents en difficulté, les a investis en 2019. «Une partie de leur travail a été de démolir ce que j’avais construit. Ils ont laissé une ruine derrière eux», regrette Jean-Michel Rey. La commune a pris la décision de racheter le terrain en 2021.

Aujourd’hui, le bâtiment est dans un état lamentable, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les toilettes sont inutilisables, le mobilier est cassé ou inexistant, les pièces sanitaires pourrissent et la présence d’amiante dans la toiture a été relevée. Difficile d’imaginer une autre issue que la démolition.

Saint-Cergue: en ruines, la mythique Auberge des Cheseaux va être démolie

Mardi soir, le Conseil communal de Saint-Cergue a donné son aval pour la démolition de l’Auberge des Cheseaux. On vous raconte son histoire, qui s'étire sur plus d’un siècle.