Les nouvelles technologies ne sont que des outils. Depuis des millénaires, les inventions traduisent l’ingéniosité humaine à rationaliser le coût en énergie de nos efforts dans une vision économe nécessaire à la survie. Cependant, la révolution numérique offre une masse de solutions pour nous faciliter la vie dans tous les domaines. Ne serait-ce que dans la sphère domestique, les robots sont toujours plus nombreux pour s’activer à notre place.

Le risque de nous rendre paresseux physiquement, intellectuellement et socialement se pose lorsque nous perdons «la capacité à investir un effort justifié pour atteindre un but atteignable», selon l’expression de Boris Cheval, chercheur en neuropsychologie de la santé à l’Université de Genève. Auteur du livre intitulé «Le syndrome du paresseux», il étudie les mécanismes cérébraux qui nous poussent, par défaut, vers le moindre effort. Or, l’activité physique améliore les capacités cognitives et sociales et la sédentarité les réduit.

Lutter contre la facilité

«Entre un escalier et un ascenseur, pour ne pas succomber à la tentation de la facilité, il faut inhiber la réaction automatique qui nous y pousse», explique Boris Cheval. Le choix des escaliers exige une mobilisation de nos ressources cognitives pour faire sauter le verrou de cette inhibition.

C’est fatigant mais toujours récompensé par un bonus en dopamine et autres hormones que nous apprécions beaucoup. Les nouvelles technologies sont autant d’ascenseurs qui nous permettent de réaliser un grand nombre d’activités rapidement.

Malheureusement, constate Boris Cheval, «nous n’engageons pas ce temps ainsi libéré dans des activités physiques, on le remplit d’autres activités sédentaires». Or, moins on est physiquement actif, plus on est fatigué, plus le déclencheur mental pour fournir un effort est coûteux. Pourtant, selon lui, «nous ne sommes pas naturellement paresseux et nous ne le sommes pas plus que les générations précédentes». En revanche, les nouvelles technologies entraînent des habitudes de sédentarité délétère et, «la perte générale des capacités cardiorespiratoire nous mène vers un véritable tsunami sanitaire», affirme le spécialiste.

«Entre un escalier et un ascenseur, pour ne pas succomber à la tentation de la facilité, il faut inhiber la réaction automatique qui nous y pousse.»

Boris Cheval, chercheur en neuropsychologie

Adaptation du cerveau

A la tête du laboratoire des sciences cognitives du CHUV, la Pre Stéphanie Clarke, spécialisée en neurosciences, nous invite à remonter dans le temps avant de tirer des conclusions hâtives. «L’invention de l’imprimerie a conduit à l’uniformisation du langage qui a permis de développer la lecture rapide ouvrant ainsi une nouvelle voie dans notre organisation cérébrale», explique-t-elle. Plus largement, toutes les inventions, de la roue 4000 ans avant J.-C. aux robots, dont l’utilisation transforme la vie quotidienne, changent l’organisation cérébrale chez les humains.

Selon Stéphanie Clarke, les défis que nous devons relever pour utiliser les nouvelles technologies à bon escient et en tirer le maximum ne laissent pas de place à la paresse. «Sur internet, le pire et le meilleur se côtoient nous privant du lien de confiance dans l’origine et le contenu de l’information, en vérifier la fiabilité demande des efforts et beaucoup d’éducation».

Les défis que nous devons relever pour utiliser les nouvelles technologies à bon escient et en tirer le maximum ne laissent pas de place à la paresse.

Un champ d’incertitudes

Certes, la facilité que nous apportent les applications disponibles nous fait perdre des habilités cognitives comme celles de mémoriser des numéros de téléphone, chercher notre chemin. Dans le même temps, nous développons notre mémoire procédurale pour utiliser ces applications, souligne Stéphanie Clarke. En tant que scientifique, spécialisée dans la neuroréhabilitation, chaque avancée dans les matières de l’intelligence augmentée, la robotique et la réalité virtuelle, représente pour elle un pas en avant vers le mieux.

Cependant, elle reconnaît que l’imprégnation de la société par les nouvelles technologies laisse beaucoup de questions en suspens qui sont dans le camp des sciences humaines. Les recherches dans ce domaine couvrent un très large spectre qui va du développement cognitif sur le modèle de la pensée informatique aux technologies en train de nous rendre fainéants et bientôt idiots.

Santé: entre la machine ou l’effort, nous choisissons la facilité efficace

Notre cerveau choisit toujours la voie du moindre effort, c’est pourquoi il nous récompense quand on se force.