Au qualificatif de mécène, Pierre Stricker préfère celui de «protecteur». Le Saint-Preyard et enfant d’Aubonne a récemment fait un énorme cadeau d’un million de francs à l’Arboretum, comme l’a révélé «Le journal de Morges», fin octobre. «C’est un endroit de paix, privilégié. J’avais envie de donner un coup de pouce à ces lieux que je connais depuis mon enfance et où je viens me ressourcer très régulièrement en m’y baladant, à la belle saison, une à deux fois par semaine. Il y a une zone, près de l’étang du lac de barrage, que j’appelle d’ailleurs «Le Petit paradis» tant elle est paisible», explique le septuagénaire qui a mené une carrière d’industriel de la médecine animale.

Il y a une zone, près de l’étang du lac de barrage, que j’appelle d’ailleurs «Le Petit paradis» tant elle est paisible.

Pierre Stricker, mécène de l'Arboretum

En 1956, la famille Stricker s’installe à Aubonne. C’est à ce moment que le jeune Pierre découvre ce qui n’était alors pas encore l’Arboretum du vallon de l’Aubonne – fondé en 1968. «Enfants, on s’y promenait en famille. Avec les copains, notre sport favori était de sauter en bas d’une chute de l’Aubonne puis, plus grands, on faisait les zouaves avec nos vélomoteurs. C’était notre terrain de jeux», se souvient-il.

Nom de code: Clarwest

Reconnaissants envers ses parents de lui avoir fait découvrir les lieux, Pierre Stricker a envie, aujourd’hui, de leur rendre hommage, ainsi qu’à sa sœur. Un tiers de son don servira à concrétiser le projet «Clarwest» qu’il a imaginé de concert avec l’Association de l’Arboretum.

L'expression est inspirée des prénoms de ses parents – Claire et Werner - ainsi que du début du nom de famille. Le projet permettra de proposer de nouvelles zones de détente aux visiteurs. Les trois quarts restants permettront de pérenniser l’avenir du domaine à moyen terme, en assurant le paiement des salaires et l’entretien du parc et de ses bâtiments.

Le don du Saint-Preyard a été d’autant plus apprécié qu’il a permis de trouver une solution au devenir de la ferme Wütrich qui menace de s’effondrer (lire encadré). Le projet «Clarwest» est de démolir le bâtiment, de conserver une partie des matériaux, ainsi que le four à bois. Trois abris à pique-nique façonnées avec le bois de l’ancienne ferme seront aménagés, ainsi que des WC. Un des couverts abritera le four à pain et un autre s’appuiera sur l’ancien mur de la ferme. «Il ne s’agit pas de faire table rase du passé, mais de rappeler l’activité précédente dans les futures constructions», explique Pascal Sigg, directeur de l’Arboretum.

Selon les vœux du généreux donateur Pierre Stricker, un espace de détente avec possibilité de pique-niquer et de faire du feu pourrait être aménagé à la place de la ferme. Photo: Sigfredo Haro

«L’idée est d’en faire un espace de détente pour les amoureux de la nature comme moi. Je souhaite honorer mes parents mais également rendre hommage à la nature et à ceux qui ont créé ces lieux, explique Pierre Stricker. Nous sommes tous locataires de la terre, et ceci gratuitement, notre loyer étant simplement de la protéger et de la respecter.»

C’est pour partager ses convictions et inciter d’autres bienfaiteurs à faire de même qu’il a accepté de sortir de son anonymat. «J’ai fait cela pour l’Arboretum, pas pour me mettre en avant, c’est du parc botanique qu’il faut parler, pas de moi», insiste-t-il, refusant désormais de poser pour une photo sur place.

Un «cadeau» et sept ans de bonus

«C’est une aide exceptionnelle, Pierre Stricker est un type magnifiquement généreux, réagit Pierre-Alain Blanc, président de l’Association et ancien syndic d’Aubonne. Son don correspond pratiquement au budget annuel de l’Arboretum, qui est d’un peu plus de 1,1 million de francs. Une fois le projet Clarwest réalisé, il nous restera trois quarts de la somme, nous aurons des réserves pour les sept prochaines années qui nous permettront de maintenir la tête hors de l’eau.»

Pierre Stricker aime à se ressourcer dans la nature. Photo: DR

L’Arboretum étant une association privée, subventionnée pour un quart seulement par le Canton et les communes, tout l’enjeu est, pour l’association et son président, de trouver, année après année, les fonds nécessaires à la survie du parc. L’introduction, en 2019, d’une entrée payante a permis à nouveau d’équilibrer les comptes. Corollaire, les adhésions à l’association – qui donnent droit à une entrée gratuite - ont également pris l’ascenseur.

Grâce au don de Pierre Stricker, nous allons pouvoir faire un cadeau à nos membres et aux visiteurs qui pourront, nous l’espérons dans un proche avenir, profiter de l'espace détente.

Pierre-Alain Blanc, président de l'Association de l'Arboretum

«Grâce au don de Pierre Stricker, nous allons pouvoir faire un cadeau à nos membres et aux visiteurs qui pourront, nous l’espérons dans un proche avenir, profiter de l'espace détente», se réjouit le président. Signe du destin peut-être, la fontaine qui trône devant la ferme – et qui sera, elle, conservée – date de 1903, année de naissance de Werner Stricker.

Une ferme non classée

Pierre-Alain Blanc, président de l'association de l'Arboretum salue le magnifique don de Pierre Stricker. Photo: Sigfredo Haro

Le bâtiment de la ferme Wütrich – du nom des derniers exploitants – date probablement du XVIIIe siècle. Elle a été habitée jusqu’en 1987 mais appartient à l’Arboretum depuis 1970. Aujourd’hui, le bâtiment, non classé, tombe en ruines, à tel point qu’il a fallu le sécuriser en l’entourant de barrières de protection. Le projet de le démolir a remporté l’adhésion – à l’unanimité – du Conseil de Fondation de l’Arboretum qui possède les terrains et les bâtiments. Le comité de l’Association, d’une quinzaine de membres, qui gère les activités du parc botanique, a aussi donné son feu vert. Deux ou trois voix se sont néanmoins élevées contre le projet, avec le souhait que la ferme soit préservée. Une rénovation estimée à 2,7 millions. «Nous ne sommes actuellement pas à la recherche de surfaces de bâtiment en dur et n’avons pas besoin de nouveaux locaux, en plus décentrés», explique Pierre-Alain Blanc, président de l’Association et de la Fondation.

Aubonne: il offre un million de francs à l'Arboretum

Le Saint-Preyard et enfant d’Aubonne Pierre Stricker a versé un million de francs au parc botanique pour le faire connaître et assurer sa pérennité.